RETROUVEZ LA LETTRE MUSICALE DU CHEF DES CHANTEURS !
Chaque semaine, Lionel Cloarec nous convie à partager des instants musicaux :
Nous voici à la dernière lettre de la saison,
dimanche 10 juillet 2022
Les Chanteurs de Saint-Eustache sont en villégiature jusqu'à début septembre.
C'est l'occasion de se remémorer cette saison musicale 2021-2022, et
d’écouter de belles pages que les chanteurs ont pris plaisir à chanter en concert ou pendant la liturgie.
Tout d’abord les œuvres chantées lors de notre concert de mars.
Jean-Sébastien Bach, bien sûr, avec un motet trop peu joué :
« Der Gerechte kommt um »
Ici la version de Raphaël Pichon et l'ensemble Pygmalion dont je trouve le tempo idéal !
Jean-Philippe Rameau incontournable à Saint-Eustache
Le Choeur final « euntes ibant » du grand motet « In convertendo»
Par Les arts florissants et William Christie
George Friedrich Haendel :
Nous avons pris grand plaisir à travailler et peaufiner cette très belle œuvre trop rarement chantée « funeral anthem for Queen Caroline », l’œuvre maitresse du concert.
Le choeur final par les arts florissants et William Christie
« The merciful Goodness of the Lord »
La version inspirée de W. Helbich et l’Alsfelder vocal ensemble
Un autre moment marquant de cette saison fut notre participation à l'hommage à Molière rendu à Saint-Eustache pour les 400 ans de sa naissance, que l’on date précisément de son baptême dans cette église.
Nous avons pu chanté des extraits du superbe Dies irae de Lully,
en particulier le lacrymosa
Ici par le chœur de chambre de Namur et Leonardo Garcia Alarcon
Sublimissime!!!
Mais aussi un extrait de l'opéra Armide de Lully. Encore une page sublime !
La « passacaille »
J'ai choisi le lien incluant toute la scène car la musique instrumentale entourant le soliste et le chœur est de toute beauté.
Par le chœur collegium vocale Gent, P Herreweghe et le ténor Gilles Ragon
La musique française fait partie aussi du répertoire qui résonne à Saint-Eustache pendant les messes du dimanche matin.
De l’ordinaire de la messe traditionnellement chantés par les Chanteurs :
le Kyrie de la messe solennelle de Louis Vierne.
Par l'ensemble « les éléments »
le Sanctus de la messe de Léo Delibes par l'ensemble régional de Bourgogne, Roger Toulet ; à l'orgue Michel Chapuis.
l'Agnus Dei de la messe in simplicitate de Jean Langlais
Par l'ensemble Jean Sourisse
Bien sûr, des oeuvres de Tomas luis de Vittoria chanté traditionnellement dans notre grand vaisseau,
comme le très beau et douloureux «Vere languores » qui s’interprète durant la semaine sainte.
Par the Sixteen et Harry Christophers
Mais aussi de la musique contemporaine comme l'Ubi caritas de Ola Gjeilo
par Phœnix chorale et Charles Duffy
En cette fin d'année, le requiem de Wolfgang Amadeus Mozart a résonné plusieurs fois avec les chanteurs, grâce au chaleureux chef Bernard Thomas et son orchestre qui a apporté aux chanteurs une interprétation exigeante et puissante nourrie de l’enthousiasme de plus de 50 ans de direction de l’œuvre.
Un concert privé avec orchestre donc, mais aussi un concert ouvert à tous, un dimanche après midi, juste avec orgue sous les doigts de notre cher François Olivier, organiste titulaire de l'orgue de chœur de Saint-Eustache.
Pour ce faire, j'avais élaboré un programme intitulé « un requiem ». Le but était de réunir des extraits du célèbre requiem de Mozart dont beaucoup de pages resteront quelque peu illégitimes et des extraits de l'œuvre inspiratrice le requiem de Michael Haydn qui avait tant impressionné le jeune Mozart, 20 ans plus tôt.
N'oublions pas que Mozart n'a écrit réellement et entièrement que l'Introït, le Kyrie et le Dies irae et des notes et directives plus ou moins précises pour la suite. Sans autres commentaires !
Écoutez en particulier les introït des deux requiem celui de Michael Haydn et celui de Mozart. L'inspiration me semble évidente !
Requiem de Michael Haydn par le pianiste et chef Christian Zacharias et le Schweizer Kammerchor.
Le requiem de Mozart par le chef et organiste Masaaki Suzuki et le Bach Collegium Japon
Une lecture très pointue, un équilibre dans les choix des tempi des divers numéros de l'œuvre. Une prosodie révisée (placement du texte sur les mélodies et rythmique) donnant plus de fluidité et clarté.
Une révision de nombreuses pages et inclusion d'un amen manquant à la fin du Lacrimosa….
Un chœur extrêmement précis qui allège cette œuvre souvent pompeuse.
Je suis fan…
https://youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_mEMlVGsi25bZamlQ0ZuKPni6dugutM60k
Et qu'allons nous chanter la saison prochaine ?
Nous mettrons au programme des concerts dans un éclectisme musicale que j'apprécie d'élaborer.
La messa di defonti de Mario Capuana, compositeur baroque sicilien dont la musique singulière mérite d'être connu.
Introït par le Chœur de chambre de Namur.
Un beau motet de Marc Antoine Charpentier, le compositeur baroque le plus italien des français
« Transfige, dulcissime Jesu »
Par le concert spirituel et Hervé Niquet
Mais aussi des œuvres plus contemporaines :
De Morten Lauridsen, l'un des compositeurs américains les plus joués à travers le monde.
Un extrait de l'œuvre que nous chanterons le Lux alterna
« O nata lux » par le chamber choir of Europe et Nicol Matt
Depuis quelques années, nous avons mis à notre répertoire des pièces d' Arvo Pärt, le grand compositeur estonien.
Nous continuerons notre découverte de l’oeuvre de ce compositeur, avec des pièces à capella mais aussi accompagné de l'orgue.
Par exemple: littlemore tractus par David N. Child, Vox humana et l'organiste Bradley Hunter Welch
Petit cadeau :
une demie heure de musique baroque française qui me dynamise et me met en joie.
La suite d'orchestre de l'opéra « les Indes galantes » de Jean Philippe Rameau.
On peut la renommer suite des danses de l'opéra-ballet « les Indes galantes » symbolisant « une époque insouciante vouée aux plaisirs et à la galanterie de Louis XV et sa cour ».
Donc un peu de légèreté pour cet été!
Avec la verve de Jordi Savall conduisant son orchestre Les nations !!!
Je vous souhaite à tous un très bel été.
Prenez soin de vous.
LA LETTRE DU DIMANCHE 26 JUIN
sur la fête du Sacré Cœur de Jésus
Cette semaine, un petit coup de projecteur sur la fête du Sacré Cœur de Jésus. La dévotion et le culte au cœur de Jésus, symbole de l'amour divin que ce dernier porte aux hommes, prend naissance en 1675 à la suite de la vision d’une religieuse de Paray-le-Monial. Ils se développent vigoureusement tout au long du 18e siècle. La fête ne sera institutionnalisée qu’en 1765, un siècle plus tard, et deviendra fête solennelle. Plusieurs églises y sont consacrées dont la plus emblématique est certainement la basilique du Sacré Cœur de Montmartre. La fête du Sacré Cœur de Jésus est célébrée le troisième vendredi après la Pentecôte
Très peu de chants et motets spécifiques mais j'ai trouvé quelques « petites choses intéressantes » proches du thème du jour.
L'occasion d'écouter un compositeur brésilien du 20e siècle : Heitor Villa-Lobos.
Trop peu d'œuvres chorales connues et chantées en France, malgré les célèbres Bachianas brasileiras…
Et donc de circonstance :
Cor dulce,cor amabile par l'ensemble vocal de Stuttgart et Marcus Creed
J'ai choisi également un motet implorant la miséricorde, appelant l'aide, la bonté et le pardon du Seigneur : Domine non secundum (psaume 102).
Un petit florilège :
D’abord, le premier maître de l'art polyphonique du début de la Renaissance, compositeur franco-flamand identifié par son prénom : Josquin (1440-1521) mais que l'on connaît également sous le nom de Josquin des Près ou Desprez. Sa célébrité fut grande et s'étendit sur toute l'Europe pendant plus d'un siècle. Ses messes, ses motets, ses madrigaux… deviennent une référence et une source d'inspiration pour beaucoup de compositeurs.
Motet à 2,3 et 4 voix
Très belle version …
A découvrir …
Le même texte mais par un autre compositeur, franco-flamand lui aussi, grand voyageur qui fit carrière à Florence, Rome puis Paris: Jacques Arcadelt (1507-1568). Il est plus connu pour ses madrigaux et ses chansons que pour sa musique sacrée.
Personnellement je préfère cette écriture plus fluide et vocale, probablement du fait de mon oreille du 21e siècle et de mes connaissances plus restreintes sur la musique du début de la Renaissance !
Le Choeur de Namur
à 2,3,4 et 5 voix
Enfin un troisième motet qui est mon préféré, par un musicien dont l’œuvre se situe essentiellement au 21e siècle : James MacMillan (1959- ) que je ne vous présente plus ! Ce compositeur est surprenant par la diversité de ses périodes musicales qui déroute l’auditeur !
Beaucoup d'ornementation dans cette pièce, référence aux musiques traditionnelles des pays de l'Est.
Les voix aiguës mises en avant et les nappes sonores des autres pupitres du début du morceau cèdent la place quelques versets plus tard, aux voix d’homme, avant que les femmes ne reprennent la main ! Surprenant !
L'ajout du violon solo rend cette pièce tout aussi étrange que proche dans un effet de désacralisation ….
Superbe chœur (indispensable pour chanter MacMillan )
La capella nova, Alan Tavener et au violon Madeleine Mitchell
La petite « bulle profane » pour conclure :
Da Coconut nut
Da Coconut Nut est une chanson de l’artiste national philippin Ryan Cayabyab initialement popularisée par le groupe Smokey Mountain en 1991.
La chanson a donné lieu à plusieurs arrangements pour choeur qui font partie des morceaux amusants que les ensembles aiment à mettre en bis à leur programme !
Voici le texte (savoureux !) faisant valoir les multiples utilisations de la noix de coco : le fruit du coco, du cocotier …
The coconut nut is a giant nut
If you eat too much, you’ll get very fat
Now, the coconut nut is a big, big nut
But this delicious nut is not a nut
It’s the coco fruit (it’s the coco fruit)
Of the coco tree (of the coco tree)
From the coco palm family
There are so many uses of the coconut tree
You can build a big house for the family
All you need is to find a coconut man
If he cuts the tree, he gets the fruit free
It’s the coco fruit (it’s the coco fruit)
Of the coco tree (of the coco tree)
From the coco palm family
The coconut bark for the kitchen floor
If you save some of it, you can build a door
Now, the coconut trunk, do not throw this junk
If you save some of it, you’ll have the second floor
The coconut wood is very good
It can stand 20 years if you pray it would
Now, the coconut root, to tell you the truth
You can throw it or use it as firewood
The coconut leaves, good shade it gives
For the roof, for the walls up against the eaves
Now, the coconut fruit, say my relatives
Make good cannonballs up against the eaves
It’s the coco fruit (it’s the coco fruit)
Of the coco tree (of the coco tree)
From the coco palm family
The coconut nut is a giant nut
If you eat too much, you’ll get very fat
Now, the coconut nut is a big, big nut
But this delicious nut is not a nut
It’s the coco fruit (it’s the coco fruit)
Of the coco tree (of the coco tree)
From the coco palm family
It’s the coco fruit (it’s the coco fruit)
Of the coco tree (of the coco tree)
From the coco palm family
It’s the coco fruit (it’s the coco fruit)
Of the coco tree (of the coco tree)
From the coco palm family
Olé !
La noix de coco est une noix géante
Si vous mangez trop, vous grossirez beaucoup
Maintenant, la noix de coco est une grosse, grosse noix
Mais cette délicieuse noix n’est pas une noix
C’est le fruit du coco (c’est le fruit du coco)
Du cocotier (du cocotier)
De la famille des cocotiers
Il y a tellement d’utilisations du cocotier
Vous pouvez construire une grande maison pour la famille
Tout ce dont vous avez besoin est de trouver un homme à la noix de coco
S’il coupe l’arbre, il obtient le fruit gratuitement
C’est le fruit du coco (c’est le fruit du coco)
Du cocotier (du cocotier)
De la famille des cocotiers
L’écorce de coco pour le sol de la cuisine
Si vous en conservez une partie, vous pouvez construire une porte
Maintenant, le tronc de noix de coco, ne jette pas cette camelote
Si vous en économisez une partie, vous aurez le deuxième étage
Le bois de coco est très bon
Il peut tenir 20 ans si vous priez pour qu’il le soit
Maintenant, la racine de noix de coco, pour vous dire la vérité
Vous pouvez le jeter ou l’utiliser comme bois de chauffage
Les feuilles de cocotier, bonne ombre ça donne
Pour le toit, pour les murs contre l’avant-toit
Maintenant, le fruit de la noix de coco, disent mes proches
Faire de bons boulets de canon contre l’avant-toit
C’est le fruit du coco (c’est le fruit du coco)
Du cocotier (du cocotier)
De la famille des cocotiers
La noix de coco est une noix géante
Si vous mangez trop, vous grossirez beaucoup
Maintenant, la noix de coco est une grosse, grosse noix
Mais cette délicieuse noix n’est pas une noix
C’est le fruit du coco (c’est le fruit du coco)
Du cocotier (du cocotier)
De la famille des cocotiers
C’est le fruit du coco (c’est le fruit du coco)
Du cocotier (du cocotier)
De la famille des cocotiers
C’est le fruit du coco (c’est le fruit du coco)
Du cocotier (du cocotier)
De la famille des cocotiers
Olé !
Une version en vidéo pour ensemble mixte par les Philippines Madrigal Singers !!!
Bonne semaine, à tous.
LA LETTRE DU DIMANCHE 19 JUIN
dimanche du Saint Sacrement
Nous poursuivons les fêtes et messes solennelles qui suivent le temps pascal.
Ce dimanche 19 mai nous célèbrerons la fête du Corpus Christi, appelé encore récemment en France la Fête-Dieu. C'est la fête du Saint Sacrement qui, depuis Vatican 2, a pris le nom, de «fête du corps et du sang du Christ», ce qui est plus explicite !
La fête du Saint Sacrement (2ème dimanche après la Pentecôte) a été instituée au Moyen âge (XIIIe siècle) et affirme la présence réelle de Jésus Christ dans le sacrement de l'Eucharistie.
Les mises en musique des textes du liber usualis (un répertoire de chants grégoriens établi par l’abbaye de Solemnes) sont nombreuses surtout si l'on se concentre sur l'Eucharistie et le moment de l’élévation ou l’officiant présente l’hostie à l’assemblée.
Pour cette fête, c’est Saint Thomas d’Aquin, fervent adorateur de l’eucharistie, qui fut chargé de rédiger les textes du nouvel office. On lui attribue la composition des chants comme le Lauda Sion et ceux de l’Ave verum, O salutaris hostias et O sacrum convivium qui, maintenant, accompagnent la communion.
Commençons déjà par ce qui correspond au graduel (après la première lecture que l'on donnait sur la première marche …) : Oculi omnium.
Il y a, bien sûr, les pièces de Heinrich Schütz et Charles Wood que l’on chante à Saint-Eustache depuis de nombreuses années.
Mais j'ai choisi une œuvre radicalement différente de nos contemporains américains avec Éric Withacre (1970-).
On reconnaît le style dès les premières notes : des « grappes » de notes arpégées devenant des clusters (terme employé depuis fort longtemps en musique !).
Une soliste soprano dans le haut de la tessiture puis des entrées successives en imitations puis l'entrée des voix d'hommes en grandes divisions pour conclure ce beau motet
« céleste » !
Avec la partition dans ce lien, vous comprendrez aisément les processus d'écriture de ce compositeur et ce qu’est un cluster !
Par Eric Whitacre à la tête de son propre ensemble.
Un autre Oculi omnium, également d’un compositeur contemporain : Alexander L'estrange (1974-) dont j’apprécie l’œuvre vocale.
C'est un autre univers, d'autres références musicales et une écriture bien plus classique que celle de Whitacre, presque post romantique …
Mais on entend tout de même le système des clusters et des phrases étirées comme chez Withacre .
Par l'ensemble « Tenebrae »
Pendant cette messe solennelle, on pouvait et on peut encore entendre l'hymne Lauda Sion,
Le motet de Tomas Luis da Victoria (1548 -1611) est écrit sur ce texte. Son utilisation du double choeur pour un jeu d'écho semble avoir été un réel plaisir pour lui.
Encore à écouter et lire dans ce lien.
L'ensemble « Plus ultra », grand spécialiste de la musique renaissance
A l'offertoire de cette messe : Sacerdotes Domini
Comment ne pas évoquer le grand maître de la Renaissance : Palestrina (1525-1594) !
Exactement le phrasé que j'entends intérieurement pour l'œuvre de Palestrina
Très belle pièce à 5 voix.
Encore avec la partition … Portez votre attention à l'interprétation et la vocalité des chanteurs sur les mélisses et l'ornementation !
Par The Sixteen,
Le texte du O salutaris hostia fait partie du commun de la messe (dans la liturgie qu’on retrouve chaque dimanche !) et non des textes particuliers du jour (le propre de la messe) mais il est adapté (comme l'Ave verum) à une célébration de l'Eucharistie …
Je souhaitais vous faire écouter la mise en musique de Pierre de La Rue (1460-1518). Il est l’un des principaux représentants de l'école franco-flamande à la jonction du 15e et 16e siècle (même génération que Josquîn des Prés).
Pour ce style renaissance rigoureusement contrapuntique qui semble encore ici hors du temps.
Belle interprétation du Netherlands Chamber Choir.
Dans un tout autre style et d’une toute autre époque,
de Vytautas Miskinis (1974-) professeur et compositeur essentiellement tourné vers l’écriture et la direction de choeurs dans un pays ou la pratique chorale est extrêmement forte.
Pour la musique contemporaine lituanienne !
Parce que la musique est faite pour nous surprendre !
Parce que c'est une pièce superbe, qui ne peut laisser indifférent !!!
O salutaris hostia de Vytautas Miskinis
par le superbe ensemble les Métaboles
Terminons la partie liturgique par un Panis angelicus motet tout à fait indiqué pour la fête du corps et du sang du christ.
Encore Alexander L'estrange…
On peut reprocher des effets faciles, une musique sirupeuse, personnellement j'adhère complètement.
Extrait du même enregistrement dédié à L'estrange par l'ensemble Tenebrae et Nigel Short.
Serein et reposant !
Pour finir et pour un au revoir à un jeune chanteur hongrois adorable et très doué qui est resté quelques mois parmi nous.
Un chant profane de Lajos Bardos (1899-1986) compositeur chef d'orchestre, chef de choeur et professeur enseignant à l'académie Franz Liszt de Budapest
« tavóli álom » (rêve lointain).
Interprété par le choeur de chambre de Pecs et Aurel Tillai.
Bonne semaine à tous.
LA LETTRE DU DIMANCHE 12 JUIN
dimanche de la Trinité
Cette période de l'année liturgique est chargée en fêtes.
C’est après la Pentecôte, que se situe une fête complexe dans son approche théologique, pierre angulaire de la foi catholique : la fête de la Sainte Trinité.
La Trinité nous l’évoquons déjà à chaque messe avec le signe de croix (que l’on peut accompagner des paroles : «au nom du père, du fils et du Saint-Esprit»).
«On fête la réalité mystérieuse d'un seul Dieu dans l'unité d'amour de trois personnes distinctes, égales et indivisibles : le Père, le Fils, l'Esprit».
En simplifiant, le message serait : Dieu lui-même ne peut rien tout seul, ainsi, à son image, sommes-nous, plus fort les uns avec les autres, solidaires devant l'univers …
Cette fête a une histoire étonnante.
Elle fut célébrée sans le consentement du Vatican à travers l'Europe avant que le pape Jean XXII ne l'officialise par décret vers 1334.
Elle semble remonter à un autre évêque : Étienne de Liège qui institua en 920 la fête de la Sainte Trinité dans son église avec son « in festo sanctissimae trinitatis».
Cette célébration commence par l'antiphona :
«Gratias tibi Deus»
Je vous encourage à écouter le superbe enregistrement de cet office par l'ensemble Psallentes et Hendrik Vanden Abeele…
L’hymne de l’office est :
«O lux beata»
Je ne me lasse pas d'écouter l’ensemble Psallentes l'interpréter.
Une autre pièce que j'aime particulièrement d'un compositeur que je ne présente que rarement : Giovanni Gabrieli (1557-1612).
Ses œuvres sont, en général, grandioses grâce à l'emploi de double, triple voire de quadruple chœur.
J’ai choisi le très bel enregistrement des offices de la Sainte Trinité de Gabrieli par le Chœur de Namur et Jean Tubéry :
le Benedictus es Dominus a 8 voix
Et pour le plaisir, le Omnes gentes qui termine l’enregistrement :
«Omnes gentes» à 16 voix !
Cette version est limpide avec des instruments colla parte ; cela ne crie pas, ne sature pas, la luminosité de la pièce est présente !!!
On pourrait (presque!) entendre le détail des 16 parties.
Encore un autre enregistrement de toute beauté voué à l'office de la Sainte Trinité.
Sur le même principe que Gabrieli, Hieronymus Praetorius (1560-1629) compose une musique de la fin de la Renaissance comportant de nombreux double chœurs.
A noter qu’il n’a pas de lien de parenté avec Michael Praetorius !
«Te Deum patrem ingenitum»
Toujours avec des instruments accompagnant les chanteurs…
Une pièce extraordinaire : l'antiphon de John Sheppard (1515-1558) «libera nos, Salva nos» que l'on peut chanter aux complies de cette Trinité.
Regarder l'écriture en imitation et le cantus firmus de la voix de basse en lisant la partition couplée avec l'enregistrement de ce lien.
Est ce que cette musique se date facilement ?
Ce style d'écriture ne projette-t-il pas cette pièce hors du temps ?
Une autre version que je préfère à la précédente, mieux conduite entre les phrases et simplement « une direction des phrases »
Les pages et le contrepoint «se déroulent» sans lourdeur On retrouve le vœu esthétique « planant » et «hors du temps» de la version du Trinity choir avec en prime la deuxième partie du Libera.
The Sixteen
De la musique céleste cette fois, par les anges accompagnant la Trinité.
Un « duo Seraphim » du compositeur allemand : Hans Léo Hassler (1564-1612).
Comme la semaine dernière, on ne peut s'empêcher de penser à Monteverdi dans ces quelques pages alternant solistes et grand chœur …
Un chœur superbe, là aussi, le Weser-Renaissance Bremen
sous la direction de Manfred Cordes pour défendre une page difficile à exécuter.
Pour finir, de la pure musique anglaise de la fin du 19e siècle .
John Stainer (1840-1901)
Auteur prolifique de l'église anglicane, compositeur, organiste, musicologue et professeur à l'université d'Oxford .
Ici une grande pièce pour double choeur, 4 solistes et orgue.
L'anthem «I saw the Lord» – la partition est dans le lien.
Et la pièce profane de cette semaine :
«Scarborough fair» est une ballade traditionnelle anglaise, peut être une adaptation d'une chanson médiévale écossaise. A travers les âges, elle a donné lieu à de nombreuses adaptations et réécritures jusqu'à la version mondialement connue des années 60 de Simon and Garfunkel.
C’est le dialogue d'un homme et de son ex-amoureuse qui lui demande des tâches impossibles à exécuter pour lui accorder son amour (dans certaines versions il se demandent mutuellement ses tâches impossibles).
Ici la version et arrangement de Yumiko Matsuoka par l'ensemble Brevitas et leur chef Mathiew D. Nielsen
Bonne semaine à tous !
LA LETTRE DU DIMANCHE 5 JUIN 2022
Dimanche et lundi de Pentecôte
Ce week-end, nous fêtons la Pentecôte.
Ce mot vient du grec et signifie cinquantième.
Lundi de Pentecôte sera donc le 50e jour après Pâques.
Cette fête est déjà annoncée à l'Ascension par Jésus lui-même, parlant à ses disciples.
Ils recevront une force : celle de l'Esprit saint !
Le «Veni sancte spiritus», séquence de ce dimanche, a pour sujet le Saint Esprit. Il est l'un des 4 hymnes médiévaux ayant survécu au concile de Trente (1563 !!!)
À l’origine de nombreuses fêtes de l'année avaient leur propre séquence, un hymne processionnel qui suivait l'Alléluia.
Il y a le célèbre hymne grégorien que les chanteurs de Saint-Eustache chanteront ce dimanche, mais j'ai préféré vous envoyer une très belle mise en musique en double chœur de Tomas Luis da Victoria.
L'enregistrement de l'ensemble Plus Ultra est intéressant par le colla parte des instruments d'une homogénéité incroyable…
Cette fête de Pentecôte était l'occasion, comme à l'Ascension, de mettre en valeur la virtuosité des solistes des maîtrises de l'époque.
Écoutons un autre « Veni sancte Spiritus», celui de Heinrich Schütz (1585-1672), compositeur allemand du premier Baroque.
Cette pièce ferait bien penser, dans le traitement des voix et des instruments, à l'écriture de l'autre grand représentant de cette première partie de l'époque baroque : Claudio Monteverdi (1567-1643).
L'écoute en est jubilatoire !
Par un superbe ensemble, le Dresdner Kammerchor, dans une édition de l'intégrale Schütz.
Personnellement, je préfère une autre prière au Saint Esprit, le «Veni créator spiritus» (Viens en nous, Esprit créateur)
C'est l’un des textes les plus importants et les plus beaux de la liturgie médiévale, dont l’attribution à Rabanus Maurus reste contestable à ce jour…
J'ai choisi la musique de Hildegard Von Bingen (1098 -1079). Personnalité hors du commun, femme de pouvoir et grande mystique, elle a été proclamée docteur de l’Église en 2012. Elle fut pionnière dans bien des domaines dont l’art musical qu’elle eut à cœur de promouvoir et même de mettre en scène au sein de son abbaye et qu’elle défendit au sein de la chrétienté. .
Un très beau chœur de femmes pour mettre en valeur cette musique.
Et par un chœur d'hommes, cette fois, le «Veni creator» de Marc-Antoine Charpentier (1643-1704), le grand représentant de la musique sacrée du Baroque français .
Par Les Passions et Jean Marc Andrieu.
Enfin, pour clore cette lettre,
un monument du répertoire pour chœur dont la première partie pourrait s'intituler «symphonie pour chœur».
La symphonie n° 8, connue aussi sous le nom de «symphonie des mille » (un sous-titre que le compositeur de l’œuvre n'approuva pas) fut créée en 1910 à Munich. Elle est construite à partir de deux textes sources : le Veni creator spiritus et la fin du Faust de Goethe.
Dans cette immense symphonie, Gustav Mahler synthétise tout son savoir symphonique.
Le compositeur réunit dans cette longue pièce, cinq genres musicaux : symphonie, cantate, oratorio, motet et lied, créant un nouveau genre : la symphonique avec voix.
Il faut des effectifs gigantesques : deux grands chœurs mixtes, un chœur d'enfants, huit solistes et un double orchestre …
Alors que ses précédentes symphonies avaient été reçues bien froidement, la première de la symphonie n°8 en 1910 est un triomphe !
Il décède, quelques mois plus tard et ne pourra diriger sa toute dernière symphonie : la symphonie n°9 (n’échappant pas à la malédiction des neuvièmes symphonies, une superstition allemande qui veut que les compositeurs n’y survivent pas!)
De grands chefs, bien entourés, se virent confier par les firmes discographiques les plus réputées, la lourde tâche de graver «leur» version de cette immense œuvre qui se doit de réunir un plateau de chanteurs solistes et des chœurs capables de tenir des parties extrêmement tendues et larges.
Parmi les nombreuses versions enregistrées (plus de soixante-dix !), j'ai choisi en premier lieu, celle, énergique et dynamique, de Georg Solti. Des tempi très soutenus, très peu de changements de pulsations et rubato… un déluge sonore dont Solti était le spécialiste ! Le plateau tient le choc sous la déferlante de l'orchestre et les tempi rapides.
C’est époustouflant, avec toujours chez Solti, des prises de risque vertigineuses.
Humblement, en tant que chef de chœur, je trouve que cette dynamique soutenue efface quelque peu la clarté des phrases des solistes et la compréhension de la construction musicale des deux chœurs.
la version Solti avec l’orchestre de Chicago
le Veni creator spiritus en tout début d’oeuvre
Une autre version, celle de Guiseppe Sinopoli où «se mêle tendresse, une forme d'humanité et une violence paroxystique»*
de belles atmosphères, des contrastes de tempo, des respirations, un superbe équilibre chœur, solistes et orchestre.
*tiré d’une critique de Franck Mallet – Radio classique
Les deux versions sont extraordinaires par leur engagement total !
la version de Guiseppe Sinopoli
À trouver dans la playlist du Philharmonia orchestra
Symphony 10 et 8
Bonne semaine à tous !
LA LETTRE DU DIMANCHE 29 MAI 2022
7e dimanche de Pâques
Bien que nous soyons le 7e dimanche de Paques, ma lettre du jour est consacrée à l'Ascension, fêtée jeudi dernier, quarante jours après Pâques.
Comme le décrit l’origine du mot : «ascensio» en latin, action de monter en français, l’Ascension célèbre l'enlèvement au ciel de Jésus.
Elle marque à la fois le dernier moment où Jésus apparaît à ses disciples et sa montée aux cieux.
Elle annonce aussi la venue de l'Esprit Saint, dix jours plus tard, à la Pentecôte.
L’Ascension est un terme que l'on n'utilise dans la religion chrétienne que pour l'élévation de
Jésus. L'Assomption, elle, est la montée au ciel de la vierge Marie. Il y a souvent confusion entre les deux termes.
L'introït de la messe de l'Ascension est très connu, joyeux et enthousiaste.
C'est une invitation à la joie, adressée à tous les peuples de la terre… qu’on aimerait en adéquation avec notre époque…
«Viri Galilaei» «Hommes de Galilée, pourquoi regardez-vous avec étonnement vers le ciel ?»
Le 7e mode grégorien (angélique ) est idéal pour ce sujet joyeux .
Mon choix s'est porté sur l'Ensemble officium et sur la première plage de l’enregistrement de la messe « Viri galilaei» de Palestrina (pratique très répandue d'utiliser les introït ou autre thème grégorien comme matière créatrice à de nombreuses messes).
Choeur de femmes pour cet introït
Après le grégorien, c’est cette fois dans un style renaissance que Palestrina développe en motet ce beau texte (la joie a disparu pour mettre plus en valeur l'aspect angélique et l'Ascension)
La Chapelle royale et Herreweghe,
et la partition en prime pour une première écoute
Jean-Sébastien Bach a écrit plusieurs cantates pour l'Ascension.
Elles sont toutes brillantes avec trompettes, traversos, hautbois, timbales …solistes et de belles parties de chœur.
J'ai choisi l'oratorio de l'Ascension «Lobet Gott in seinem Reichen» BWV11
Petite traduction sommaire pour suivre les différents numéros (comme de tradition dans les passions, le ténor chante l’évangéliste) :
chœur : «Louez Dieu dans ses royaume»
récitatif du ténor : «notre seigneur Jésus leva les mains et bénit ses disciples»
récitatif de basse : «Jésus ton départ est-il déjà si proche ?»
air d'alto (connu et superbe ) : «Ah, demeure donc […] ne t'enfuis pas si tôt de moi»
récitatif ténor : «et l'on pu le voir s'élever et monter au ciel»
chœur : «maintenant tout se trouve au dessus de toi»
récitatif alto : «ne tarde pas à revenir !»
récitatif ténor : «mais ils l'adorèrent et se mirent en route vers Jérusalem»
air de soprano : « Jésus je continue […] à voir tes pouvoirs de grâce»
chœur : quand cela se produira t'il donc […] où je le verrai…»
Une captation de concert à regarder du Monteverdi Choir, sous la direction de John Eliot Gardiner avec les instruments anciens (voir les trompettes incroyables, entre autres).
D'autres motets à profusion ont été composés pour cette belle messe de l'Ascension comme celui de Samuel Scheidt, élève de Sweelinck, surtout connu pour sa musique d'orgue. A noter que sa musique chorale, redécouverte depuis quelques années, est somptueuse.
Les conduites de voix sont exceptionnelles, ornées, bien que parfois peut-être maniérées.
On entend l'influence italienne…
Par l'ensemble Vox Luminis
Avec la partition dans le lien !
Je ne résiste pas à vous faire partager mon plaisir de musique française et du premier baroque avec Étienne Moulinié.
Sur le texte de «Jésus mon rédempteur»… latin prononcé à la française, bien entendu.
Sous forme ternaire de danse lente…. élégance de l'art français !
l'Ensemble Correspondance
Continuons avec deux pièces anglaises pour une sortie de messe éblouissante…
Écoutez la musique de Ralph Vaughan Williams ! Elle a influencé tous les compositeurs anglo-saxons dans leur traitements de la musique sacrée mais aussi, j'ose écrire, les musiques de films à grands spectacles autant que Bruckner ou Mahler et Chostakovitch.
«O Clap Your Hands» mis en musique maintes et maintes fois, mais ici avec la verve et le style si singulier du compositeur post-romantique !
The Clare college avec Grand orgue, cuivres et percussions dans un CD dédié à l'Ascension.
Patrick Gowers compositeur décédé en 2014 essentiellement connu pour ….ses musiques de films des années 1970 à 1990,
a écrit aussi pour l'orgue et les chœurs …
Sa vision du Viri Galilaei… un prolongement de la pâte sonore d'un Vaughan Williams ?
Trompettes, percussions, clavier, grandes orgues, une basse et un ténor solo …et double Choeur !!!
The Clare College, extrait du même album que le lien précédent.
Enfin, pour clore cette lettre dense, un chant traditionnel suédois arrangé par Erland von Koch,
une page de musique profane superbement interprétée !
«i-i-o hi-ho» : Chant de berger des montagnes,
par le Skylark Vocal Ensemble – soliste Alissa Ruth Suver et Matthew Guard
Bonne semaine à tous.
LA LETTRE DU DIMANCHE 22 MAI 2022
6e dimanche de Pâques
Pour abreuver la lettre musicale de ce 6e dimanche de Pâques, j’ai choisi deux textes liés à la liturgie du 6e dimanche de Pâques : le texte latin de l’offertoire du jour construit sur le psaume 65 « Benedicite gentes Dominum Deum nostrum» (Bénissez, nations ,le Seigneur notre Dieu) et celui d’un motet anglais «if ye love me» qui se chante également ce dimanche.
L'offertoire est le moment liturgique de la bénédiction rituelle du pain et du vin, avant leur consécration. Originellement cette « offrande » du pain et du vin était celle de l'assemblée. Au fil des siècles, l’offrande s’est transformée en dons de denrées diverses pour aboutir à la quête.
Mais c’est aussi la pièce d’orgue ou le motet qui accompagne ce temps d’offertoire et en a pris le nom.
Il n'y a pas tant de textes musicaux sur les versets du psaume 65, et pourtant c’est souvent l’opportunité de trouver des perles peu connues et intéressantes.
Écoutons tout d'abord cet offertoire par l'ensemble Gilles Binchois. Il propose un chant grégorien alliant tradition occidentale et orientale. C'est à mon avis assez convainquant mais le parti pris ne fait pas l'unanimité dans le monde des spécialistes du grégorien !!!
Ici, Brigitte Lesne et Anne Marie Lablaude montrent combien certains modes grégoriens très élaborés nécessitent de virtuosité ! Et en conséquence des solistes aguerris.
G. P. Palestrina (1524-1594) a écrit quantité d'offertorium.
Ce «Benedicite gentes» à 5 voix, de belle facture démontre une fois encore que ce compositeur fut et reste l'un des plus grands représentants de la musique de la Renaissance qu'il a su si bien synthétiser dans ses œuvres
Motet à 5 voix
Le choir of Trinity collège de Cambridge a enregistré un grand nombre d’offertoires de Palestrina. Des interprétations de qualité !
Nous connaissons très peu la musique des pays de l’est, encore moins celle de la période baroque !
Pavel Josef Vejvanovsky est l'un des plus grands représentants de l'école baroque tchèque avec Heinrich Biber (plus connu !) auquel il succéda en 1670 comme maître de chapelle du prince-evêque de Lichtenstein au château de Kremsier (au nord-est de Prague).
On entend tout de suite l'influence italienne dans cette pièce, bien présente dans la musique de ce compositeur et trompettiste.
Par l'ensemble « Capella Musica antica »
Maintenant, une pièce souvent chantée pour de grands évènements en Angleterre: venue du pape, mariage princier….
Écrit 1565, par l’un des plus grands représentants de la musique anglaise de cette période, Thomas Tallis, le motet «if ye love me» est tiré du chapitre 14 (verset 15) de la bible selon Saint-Jean. Jésus y parle à ses disciples, en leur enjoignant de suivre ses commandements.
« If ye love me, Keep my commandments… » (Si vous m'aimez, observez les commandements et je prierai le père …).
Au répertoire de presque tous les chœurs d'églises, c’est une pièce emblématique des chœurs lorsqu'ils abordent le répertoire sacré de la Renaissance anglaise.
Structurée en deux parties: la première homorythmique et la seconde en imitation, le texte y est subtilement mis en valeur. Une pièce courte, équilibrée, toute en retenue… un petit bijou qui lui a valu un « sacré » succès !!!
Jouons aux écoutes comparatives avec cinq enregistrements de ce motet.
On remarque dans les choix d’interprétation, des similitudes de phrases, une ligne de chant dans la plus pure tradition anglaise et les volutes musicales du maître qui créent la magie de cette pièce.
A noter que la tonalité varie selon les enregistrements, différente selon la distribution des voix, plus haute quand il y a des voix mixtes.
Alors avec voix de femmes ou pas :
The sixteen :
une version à la tonalité grave, à voix égales d'hommes, avec voix de contre-ténor pour les parties de dessus.
The Cambridge singers :
une version plus lente, avec soprani.
Une interprétation pour chœur mixte et une tonalité plus haute.
Le tenebrae choir :
d’une lenteur extrême (avec vidéo )
Ce n'est plus la même musique mais pourquoi pas !
Stile antico :
une version par des spécialistes du répertoire Renaissance. Très équilibrée . Peut être moins émotionnelle que les Sixteen.
Tout est affaire de goût en musique avec de tels interprètes !
Pour finir ce comparatif, une pièce construite autour du motet de Tallis, un commentaire réflexif .
Par le compositeur américain Frank Ferko (1950-)
La structure en est la même
Une belle explication sur le lien YouTube .
Moins facile d'écoute, moins facile à chanter mais …..
Un peu d'opéra pour conclure !
Quelques pages destinées au chœur qui me semblent faire partie des plus importantes du répertoire lyrique opératique.
Turandot est le dernier opéra de Giacomo Puccini qui, emporté par un cancer en 1924, ne put l’achever,
Plusieurs fins, plus ou moins heureuses, et un sujet jugé peu crédible sont sûrement la cause du rejet que suscite cette œuvre chez beaucoup de mélomanes et musicologues.
Un orchestre somptueux, des chœurs imposants ! A eux seuls, ils justifient des difficultés des maisons d'opéra à monter cette œuvre gigantesque.
Le sujet prête à la démesure. Dans une Chine médiévale imaginée, Turandot, princesse cruelle et sanguinaire mais excessivement belle, propose à ses prétendants de résoudre trois énigmes pour obtenir sa main. S'ils échouent, ils seront décapités. De nombreux candidats s’y sont essayés, multipliant les exécutions.
Fraîchement arrivé dans la ville, un jeune prince inconnu tombe à la vue de la princesse éperdument amoureux d’elle, pendant que le peuple attend l’exécution du prince de Perse, le tout dernier malheureux prétendant.
Malgré sa désapprobation pour cette barbarie, le jeune prince tente sa chance et résoud les trois énigmes. Mais devant la réticence de la princesse à lui donner sa main, il lui propose à son tour une énigme : elle devra découvrir son nom avant le lever du jour. Turandot mettra, avec violence, tout en oeuvre pour découvrir le nom du prince.
C’est dans «l’espace-temps» de cette nuit que se situe l’opéra.
Les scènes de « masse » mettant en scène le peuple d’un Pékin de l’époque médiévale, sont magistrales.
Quelques-unes de ces scènes, extraites du premier acte :
« Gira la cote » : le peuple y exalte le sang qui va jaillir de la lame aiguisée.
« Perche tarda la Luna » la merveilleuse scène de l'adoration de la lune
« Là sui monti dell' Est » s’inspire d’une mélodie chinoise traditionnelle « fleur De jasmin » qui est chanté par de jeunes garçons. Ils annonçent l'arrivée des condamnés.
«O giovinetto, Grazia, grazia» où à la vue du condamné, la foule mue sa haine en compassion et réclame la grâce. Le prince inconnu (Kalaf) se joint à la foule et maudit la princesse pour sa cruauté.
Vous retrouverez toute cette première partie du premier acte dans la vidéo intégrale de cet opéra ! la version que j'ai vu et revu par des monstres sacrés :
Eva Marton, une voix immense (pour moi la meilleure des Turandot !)
Placido Domingo, en Prince Kalaf, en impose …(il vaut mieux avec Marton !)
Leona Mitchell (Liu, la jeune guide du père aveugle du prince et qui en est amoureuse )
Captation de 1987 au Metropolitan Opéra de NewYork
Mise en scène et costumes incroyables de Franco Zeffirelli !!! (une mise en scène qui semble être encore d'actualité au MET).
Très très grand spectacle !!!
https://youtu.be/Jew0LUfZJ48
Bonne semaine à tous.
LA LETTRE DU DIMANCHE 15 MAI 2022
5e dimanche de Pâques
Nous voici le dimanche 15 mai, ou dimanche Cantate Domino (de l’introït du jour)
Pour ce cinquième dimanche de Pâques, j'ai choisi de décliner au fil du temps le Cantate Domino, une pièce ou compositeurs et souvent chanteurs témoignent de tout leur art. Il est bien rare de lire ou d’entendre des Cantate Domino dans la retenue et l'introspection !
Du Moyen-Âge à nos jours, les mises en musique de ce texte jubilatoire offrent l'embarras du choix : motets, grands motets, œuvres contemporaines.
Commençons par un motet d’Orlando di Lasso (1532-1594), écrit en 1575 pour le duc de Bavière, dit Albert le magnifique. Souverain resté fidèle au catholicisme, il fit de sa cour un lieu hautement artistique. Le compositeur, déjà célèbre, arrivé à l’âge de 24 ans y restera jusqu’à sa mort.
La pièce est la première d’un recueil à chanter en famille.
Dans la plaisante interprétation de l'Ensemble l'Échelle, le trio des voix est doublé par des instruments … devinez lesquels.
L’œuvre est écrite en deux parties :
1e partie:
https://youtu.be/OaopXJtdTv4
2e partie :
Quittons la Bavière de Lasso pour la Saxe avec Heinrich Schütz (1585-1672).
Organiste et maître de chapelle à Dresde, il est l'un des principaux représentants du premier baroque .
Le Chœur de Dresde dans un extrait de leur superbe intégrale Schütz .
Opus 4 donc à 4 voix mixte (des imitations, des mélismes, très italianisants) écrit en 1625
https://youtu.be/e1oaQhIQIzs
En France, Étienne Moulinié (1599-1686) est maître de musique de Gaston d’Orléans, frère du roi et côtoie les musiciens de la cour de Louis XIII, comme Eustache du Caurroy. C’est un musicien qui a du succès et publie beaucoup, en particulier des airs de cour et œuvres de circonstance. Son écriture est moderne par bien des points comme l’emploi de la basse continue et des modes modernes.
Le «Cantate Domino» fait partie des meslanges écrits pour le prince.
L'Ensemble Correspondance est un régal !
https://youtu.be/hspZ8gOp9MY
Revenons quelques décennies en arrière avec Claudio Monteverdi (1567-1643) à la jonction de la Renaissance et du Baroque
Son «Cantate Domino» virtuose est incroyable de clarté malgré le foisonnement des 6 voix.
The Cambridge singers y est aussi pour quelques chose
https://youtu.be/S53mgYN6bDk
Henri Du Mont (1610-1684), musicien baroque de la première partie du règne de Louis XlV, inspira des musiciens comme Lully et de Lalande …
Son «Cantate Domino» avec basse continue fut au répertoire des chanteurs de Saint-Eustache pendant un long moment.
Par le Chœur de chambre de Namur.
Une version pas assez ciselée à mon avis pour être distincte dans une acoustique réverbérante d'église mais c'est joliment interprété .
https://youtu.be/iAR90q79RVQ
A la fin du Baroque, la réforme étant passée par là, Jean Sébastien Bach (1685-1750) compose, lui aussi, un
«Cantate Domino» mais en allemand : « Singet dem Herrn », un motet virtuose en trois parties.
Que de versions possibles à écouter !
Il y a les plus grands chefs spécialistes du baroque sur les rangs.
Gardiner que je trouve toujours précieux mais qui essaie de superbes nuances à la limite du «non chant» dans la partie centrale …
Suzuki avec son ensemble, d'un équilibre qui donne le temps de respirer avec eux.
Juste un extrait : la première partie
Japan ensemble
https://youtu.be/4NP6L-_446c
la version ciselée à l'extrême de Gardiner …intéressant …
https://youtu.be/sBsYypoPIgg
Écouter ces 2 extraits, l'un après l'autre surprend, n'est ce pas ?
On entend là des concepts très différents, qui s’accentuent encore plus dans les deux parties qui suivent.
Pour terminer deux derniers « Cantate Domino », cette fois du XXe et XXIe siècle.
Né en 1935, l’estonien Arvo Pärt compose son « Cantate Domino » en 1977. L’oeuvre s'inscrit dans la seconde partie de son œuvre (celle du style tintinnabuli en référence au tintinnabulum = une clochette dans l’antiquité)… Si vous écoutez bien les vibrations de l'instrument, on perçoit plusieurs sons issus de l'accord parfait … grosso modo
Aux spécialistes d’Arvo Pärt que sont « théâtre of voices », j'ai préféré les « Élora singers »
Ils rajoutent des silences, adaptent la pièce – peut être trop – mais je trouve leur interprétation plus sensible et plus musicale.
pour ensemble mixte et orgue,
https://youtu.be/fjz9O2PJ49Q
Et mon grand coup de cœur : le «Cantate Domino» de Pawel Lukaszeweski.
Des jeux rythmiques d'imitations, des superbes accords, des ambiances très contrastées, surprenantes par leurs couleurs, captivent et étonnent jusqu'aux dernières mesures de l'œuvre.
On ne peut pas vraiment parler de langage contemporain mais l'univers musical bien personnel de ce compositeur et chef d'orchestre polonais de 52 ans, connu surtout pour sa musique chorale sacrée, mérite d'être connu.
Le «Cantate Domino» a été écrit en 2014 et déjà enregistré par plusieurs grands chœurs internationaux dont le somptueux Ensemble Ténebrae .
Sous la direction de Nigel Short :
4 voix mixtes en divisions, a capella
https://youtu.be/HVoAR9bJeZU
Bonne semaine à tous,
LA LETTRE DU DIMANCHE 8 MAI 2022
4e dimanche du temps pascal
De Bologne, mon lieu de villégiature pour cette semaine, la lettre musicale du dimanche du Bon pasteur ou dimanche Misericordias Domini, dénominations qui font référence à l’évangile du jour pour le premier et à l’introït de ce 4e dimanche du temps pascal pour le second.
Commençons par l’introït
« Misericórdia Dómini plena est terra, allelúia : verbo Dómini cæli firmáti sunt, allelúia, allelúia»
(La terre est remplie de la miséricorde du Seigneur, alléluia, alléluia):
C'est par le verbe de Dieu que les cieux ont été affermis)
Un introït tout simple avec un alléluia résonnant joyeusement !
J'ai choisi une version avec chœur de femmes.
Introït «miséricordia Domini» par
Le chœur grégorien de Paris
https://youtu.be/HZelnDpiVY8
Une petite transgression maintenant avec un clin d’œil à Bologne :
Le « Misericordias Domini » de W. A. Mozart est un offertoire et ne possède pas exactement le texte de ce dimanche.
Commandé en 1775 par le prince électeur de Bavière, cette pièce mineure dans l'œuvre ecclésiastique de Mozart tient une place particulière.
Mozart s'appuyant sur les œuvres minutieusement travaillées de ses prédécesseurs à Salzbourg ainsi que sur quelques pages de Johann Ernst Eberlein, produit une pièce aux contrastes saisissants avec un contrepoint raffiné et de superbes harmonies expressives.
Le jeune Mozart devait être fier du résultat de son labeur puisqu'il fait parvenir une copie de sa composition à son maître et professeur bolognais, le Padre Martini.
«Misericordias Domini» de W A Mozart
Par le « Arnold Schoenberg chor » et Nikolaus Harnoncourt
https://youtu.be/-Kj1yCGRlQY
Une curiosité liée par son texte à ce dimanche du Bon Pasteur : «Ego sum pastor bonus de Wacław de Szamotuły (Wacław z Szamotuł en polonais) compositeur polonais de la Renaissance (1520-1560). Grand érudit, il étudia le droit, les mathématiques ainsi que la philosophie et publia de nombreuses poésies en polonais ainsi qu'en latin.
Il mourut jeune et très peu de ses œuvres musicales nous sont parvenues.
Deux de ses pièces, furent néanmoins, les premières œuvres musicales polonaises publiées hors des frontières du pays dont le :
«Ego sum pastor bonus
Et cognosco oves meas,
Et cognoscunt me meae. »
( c’est moi qui suis le bon pasteur
Et je connais mes brebis,
Et mes brebis me connaissent.
C'est un très beau motet d'un compositeur dont la carrure égale celle d'un Palestrina…
de Waclaw Szamotul par la «capella Marialis»
https://youtu.be/fYl3JaLVNXw
Le psaume 121 fut mis en musique plusieurs fois par Heinrich Schütz (1585-1672), compositeur allemand du premier Baroque.
Dans ce superbe motet de 1619, composé pour solistes, double chœur et basse continue, Schütz démontre qu'il a parfaitement assimilé le style et l'écriture de l'école vénitienne après avoir séjourné auprès des Gabrieli.
Une démonstration toute en beauté !
Le psaume 121 «Ich hebe meine Augen auf zu den Bergen» SWV31 fait partie des psaumes de David écrits entre 1615 et 1619 .
Par l'ensemble «Ulsamer colllegium »
https://youtu.be/6E04XUIfN_8
Écrite à Leipzig en 1731, pour le dimanche Misericordia Domini, la cantate chorale BWV 112 de Jean Sébastien Bach qui s’ouvre sur la parole évangélique «Der Herr ist mein getreuer Hirt» (le Seigneur est mon fidèle berger), était évidemment incontournable.
On y entend deux hautbois d'amour – instruments très appréciés de Jean Sébastien Bach -, un cor d'harmonie et les instruments à cordes habituels : deux violons, alto, basse continue et orgue. Dans le chœur d'ouverture, Bach s'amuse à citer la mélodie du choral « Allein Gott in der Höhe» qui est déjà une adaptation d'un gloria grégorien. On entend cette citation aux deux cors pendant tout le concerto orchestral. Le thème de la cantate est, lui, exposé sous forme de cantus firmus à la partie de soprano (en notes longues quasi toute identiques) pendant que les voix plus basses s'engagent dans un « tricotage » d'imitation !
Je ne me lasse pas de redécouvrir à chaque écoute ces idées, subtilités foisonnantes.
Par l'ensemble Bach collegium Japan et Masaaki Suzuki.
https://youtu.be/zSuBZjQFv2M
Et donc, en villégiature dans la belle ville de Bologne en Italie du Nord, dans la région de l'Emilie-Romagne, une ville hautement culturelle, artistique, historique et gastronomique !!
Une ville riche aussi de son passé musical :
Le jeune Wolfgang Amadeus Mozart y séjourne à l’âge de 14 ans durant l’été 1770, pour parfaire son apprentissage de l'écriture avec le renommé moine franciscain, Giovanni Battista dit «Padre» Martini (1706-1784).
Plus tard, c’est Rossini qui y fera ses études.
Que de grands musiciens à travers les siècles sont passés dans cette ville universitaire, et y ont fait jouer les premières de leurs opéras :
Glück, Wagner, Verdi !
Alors, juste pour le plaisir et parce que j'ai vu la «partition dédicace» d’«il barbiere di Siviglia» dans le musée de la musique, l’intégralité de cet opéra, le plus célèbre de Gioachino Rossini (1792-1868).
Si la première à Rome (1816) fut une catastrophe (guitare désaccordée du primo tenor voulant absolument s'accompagner lui même, puis sa chute à l'acte suivant, Rossini au continuo chahuté par une partie du public et enfin un chat traversant la scène!!), dès la seconde représentation le barbier de Séville devint et resta durant toute la carrière du maître, son oeuvre la plus applaudie.
Je n'ai pas résisté à partager avec vous l'enregistrement de cet opéra avec les chœurs et l’orchestre de Bologne dans leur théâtre communal…l’occasion, aussi, de voir l'intérieur de ce bel édifice
Un enregistrement de 2019.
https://youtu.be/GGhquBgF8Ds
LA LETTRE DU DIMANCHE 1er MAI 2022
3e dimanche du temps pascal intitulé Jubilate
Pour ce dimanche qui porte le nom de l’introït grégorien du jour : Jubilate, j'ai choisi essentiellement, des pièces …jubilatoires !
L'exception sera le chant de l'offertoire, extrait du psaume 145 :
« Lauda anima mea Dominum/ Laudabo Dominum in vita mea /Psallam Deo meo, quamdiu ero. »
(Loue, mon âme Seigneur /Je louerai le Seigneur en ma vie /Je psalmodierai pour mon Dieu aussi longtemps que je serai.)
C'est l'occasion de vous faire entendre une pièce pour chœur à capella à 4 voix du danois, Vagn Holmboe (1909-1996), le compositeur danois le plus connu après Carl Nielsen. Vagn Holmboe laisse une œuvre considérable, de style néoclassique, faite de musique orchestrale, de chambre et chorale. Outre son intérêt pour la musique folklorique (roumaine notamment), on entend dans ses pièces l'influence de Stravinsky et Hindemith.
« Lauda, Anima mea »de Vagn Holmboe par Voces Nordicae et Lone Larsen
Place maintenant aux œuvres joyeuses.
Tout d’abord, la cantate BWV103 de Jean Sébastien Bach fut composée à Leipzig en 1725 pour le troisième dimanche de Pâques
« Ihr werdet weinen und Heulen » (Vous allez gémir et pleurer) l'une des dernières paroles de Jésus dans son discours d'adieu à ses disciples. Il y annonce son départ mais en proclamant que leur tristesse se transformera en joie.
Pour illustrer ce message, Bach combine et fait contraster en musique, ces deux sentiments dans une curieuse mise en musique du texte tout à fait inhabituelle
Alors que le chœur d’entrée en fugato illustrent par des lignes chromatiques descendantes, les pleurs et la tristesse, Bach interrompt le chœur et introduit un récitatif de basse sous forme d’arioso mettant en valeur les paroles du Christ «Ihr aber werdet traurig sein».(Mais vous serez dans le chagrin) avant de la faire reprendre avec le chœur «Doch eure Traurigkeit soll in Freude verkehret werden» (Cependant votre affliction se changera en joie), proclamant la joie par de superbes mélismes virtuoses. Joie et tristesse se développent en double fugue pour conclure le mouvement. L'orchestre pendant tout ce premier mouvement est traité comme un concerto grosso avec une prédominance de la flute piccolo obbligato.
En quelques minutes on est témoin du grand art de Jean Sébastien Bach.
« Ihr werdet weinen und heulen », cantate BWV103 par le Bach collegium Japan et Masaaki Suzuki
Une version dynamique, rapide et très précise.
Continuons par Cristobal de Morales (1500-1553), compositeur espagnol de la Renaissance, resté une dizaine années à Rome dans le chœur du pape Paul lll. Il utilisa cette période pour publier ses œuvres influençant beaucoup de compositeurs italiens dont le grand Palestrina.
Sa musique est emplie d’un mysticisme troublant. C'est mon humble impression face à ces pages trop peu chantées en France.
« Jubilate deo » de Cristobal de Morales par « Stile antico »
Passons à Venise, avec Giovanni Gabrieli ( 1554-1612). Ce compositeur concentra principalement sa productivité à développer la musique instrumentale (l'orgue) et vocale dans la basilique saint Marc.
Il est à la jonction de la Renaissance et du Baroque. Les influences franco flamandes se font encore entendre mais avec cette spécificité des double chœurs séparés que l'architecture incroyable de la basilique favorise. Sa musique instrumentale et chorale est plébiscitée dans toute l'Europe, sans doute grâce à ses compositions richement colorées, grandioses, parfaitement adaptées au lieu et au temps.
« Jubilate deo » de Giovanni Gabrieli par the Monteverdi choir et sur John Eliot Gardiner
Un dernier « Jubilate Deo», cette fois-ci du XXe siècle.
Écrite sur un texte anglais du Jubilate, cette pièce incontournable du répertoire des maîtrises anglaises, fut commandée par le duc d’Edimbourg en 1961 à Benjamin Britten (1913-1973) le plus célèbre des compositeurs anglais (après Purcell peut être !). Elle complète le Te deum datant de 1934 et fut exécutée aux funérailles de ce même duc d'Édimbourg le 17 Avril 2021.
Pour chœur et grand orgue, par the Sixteen et Harry Christophers
Je terminerai en mettant un coup de projecteur sur la symphonie d'un compositeur n'ayant pas écrit de musique sacrée.
Commencée dans la joie de la composition, interrompue pour se consacrer à son métier de chef d'orchestre et peut-être à cause d’une critique blessante d’un ami très cher, Gustav Mahler, le grand musicien autrichien de la fin du 19e siècle, reprendra 6 ans plus tard la symphonie n°2 pour en écrire le 5e et dernier mouvement. Dite symphonie «Résurrection», elle porte d'après les écrits du compositeur, une vision spirituelle et métaphysique et symbolise pour lui le combat pour arriver à la lumière, le problème de la vie et la mort résolu par la Résurrection…
Un monument qui fut la fierté et la carte de visite de Gustav Mahler et qu’il dirigea de part le monde…
On la croirait d'un seul élan et pourtant….le chœur ne rentre que dans ce dernier mouvement. Mahler y décrit son cheminement et son aboutissement à la foi chrétienne :
– le grand appel des trompettes de l'apocalypse .
– un oiseau dans le lointain (solo de flûte ) écho de la vie terrestre ?
– dans un silence, le murmure du chœur : « ressusciter, oui tu vas ressusciter »
Des rappels du troisième mouvement, du cri du désespoir… les doutes bien sûr… l'idée de souffrance et de mort… le thème de la résurrection perce peu à peu.
Difficile de traduire la montée vers l'apothéose, le déchirement des limbes et la clameur annonçant la résurrection Mais c'est un véritable déchaînement triomphal qui conclut cette œuvre d’une heure trente. Le dernier quart d'heure avec le chœur est l'une de mes plus grandes émotions…orchestre triomphant avec orgue, tam-tam, cloches,10 cors, 6 trompettes, 2 harpes. Il est écrit sur la partition de terminer avec la plus grande force possible…. en général les chœurs se donnent entièrement !
Le lien avec partition pour suivre la dernière partie de l'œuvre et les interventions du chœur et des deux solistes…. Ce n'est pas la version que je préfère mais lire en entendant l’œuvre apporte un vrai plus. Cela commence bien avec les trompettes de l'Apocalypse…
La dernière partie du 5e mouvement.
Le 5e mouvement en entier… 30 minutes d'extase… Michael Gielen à la baguette
Ma première version restera toujours ma préférée, je crois…. Boston orchestra et chœur, Seiji Ozawa et en solistes : Marilyn Horne et Kiri te Kanawa.
Les cuivres typiques américains avec leur son très spécifique, la conduite de phrases de deux très grandes dames, la direction fougueuse de Ozawa… et le chœur qui se donne corps et âme …
Les 7 dernières minutes.
LA LETTRE DU DIMANCHE 24 AVRIL 2022
Dimanche de l’octave de Pâques
Nous voici le 24 Avril , dimanche qui conclut l'octave de Pâques, l'occasion de fêter de nouveau la joie pascale mais sous une couleur quelque peu différente du jour de Paques.
L'introït Quasi modo donne son nom et sa tonalité à toute la liturgie de ce dimanche.
« Quasi modo geniti infantes… »
(Comme des enfants nouveau-nés, alléluia,
En vrais spirituels, soyez avides de lait pur.)
C'est bien une ligne de chant, qui se déroule dans une intonation simple et humble. La lecture confirme cette simplicité, avec une ligne mélodique sobre qui s’élève avec légèreté. Une écriture qui semble enfantine et traduit bien le sujet et la tendresse que ce dimanche souhaite transmettre.
Par le Consortium vocal d’Oslo (ensemble norvégien, exclusivement masculin spécialisé dans le chant grégorien ), qui m’a semblé très bien mettre en valeur ce beau texte fluide et élégiaque.
Construite sur la Résurrection, mais aussi sur la foi, les doutes et les craintes, la certitude et l'espérance du croyant, la cantate BWV67 de Jean Sébastien Bach est une cantate de fête comme le montre l’orchestre foisonnant avec cor, flûte, deux hautbois d'amour et cordes. Écrite à Leipzig dans le premier cycle de cantates de l'année 1724, elle fait partie de mes pièces préférées. Son équilibre musical, sa construction, ses symboles métaphysiques exemplaires de l'art de la rhétorique musicale du maître en font une cantate très originale et particulièrement remarquable.
L’analyse de l’œuvre peut aussi se faire par la numérologie. Bach comme beaucoup de musiciens baroques était très féru de cet art.
La construction de la cantate est symétrique et en miroir
1 choeur
2 aria ténor
3 récitatif
4 choeur de la Résurrection (au centre de la cantate, tiens donc !)
5 récitatif
6 aria
7 choeur
Sachant que le chiffre 7 a une haute valeur symbolique et représente tout à la fois la perfection et l’accomplissement, l’oeuvre se développe en 7 parties avec un chœur d'entrée divisible en 7 parties …
7+7= 14
Évidemment on peut s'amuser avec tout cela !
14 : un chiffre que l’on peut décomposer 1 + 4 = 5, chiffre qui représente l’homme accompli (les 4 éléments enrichis de la part divine…le 1 )
14 : le chiffre de BACH. En attribuant, dans l’ordre alphabétique, une valeur numérique à chacune des lettres de son nom, et en additionnant les chiffres : C = 2 ; B= 1 on obtient 14, un chiffre dont Bach signe plusieurs de ses œuvres.
En fait, je n'ai rien inventé, j’ai appris cela en cours de musicologie au CNSM… Mais on trouve, sur internet, des études très intéressantes sur tout cela…
Et le tout donne une cantate très dramatique, d'à peine quinze minutes, d'un équilibre incroyable avec un tenor solo (l'air y est virtuose et superbe ), un alto récitant, une basse et un chœur (avec des interventions opératiques).
Mais si j'aime beaucoup cette cantate, c'est surtout pour le numéro 6 : l'aria basse solo et chœur.
Incroyable construction en opposition de style !
Chantée 3 fois, une partie à 3/4, pour symboliser le ciel (la basse solo énonce le message de paix … accompagnée par un trio d'instruments…trois : la trinité ),
chantée 4 fois, une partie en 4/4, pour symboliser la terre (tempo rapide, parole violente du peuple, ses craintes, ses doutes …),
tout ceci en alternance : lent, rapide, lent, rapide …. cela fait encore 7 parties !
La version de ce numéro 6 par Maasaki Suzuki avec une superbe basse chantante.
Un autre extrait, cette fois le choeur d’entrée de la cantate BWV 6, sous la direction de Sir Eliot Gardiner
« Halt im Gedächtnis Jesum Christ »
Gardez le souvenir de Jésus (… qui est ressuscité des morts )
https://youtube.com/playlist?list=PLoiYnTlQ_5J0nYY1V3wTjEIDWPz45K1_J
Le texte de l'offertoire a inspiré un prêtre et compositeur trop peu connu du début du 18e siècle. Giovanni Giorgi sans doute né en Vénétie, aurait été élève de Antonio Lotti. Il fut maître de chapelle de la basilique Saint-Jean-de-Latran à Rome à la suite de Guiseppe Ottavio Pitoni puis partit à la cours de Lisbonne comme compositeur et pédagogue. Il y décède en 1762.
Ce que l’on entend est très intéressant dans le peu d'œuvres enregistrées et éditées de ce compositeur, c'est un mélange de polyphonie Renaissance, que l'on pourrait traiter d'archaïsant et d’influence de l'école vénitienne avec un soupçon de fin du baroque et d'élan vers le préclassique…
« Angelus domini descendit de coelis » de Giovanni Giorgi par le Choeur de chambre de Namur et Leonardo García-Alarcón
Revenons quelques jours en arrière avec une pièce de John Taverner, destinée aux matines du jour de Pâques,
«Dum transisset Sabbatum,/ Maria Magdalene et Maria Iacobi et Salome/ emerunt aromata, ut venientes unguerent Iesum – Vers.1 : Et valde mane una sabbatorum veniunt ad monumentum, orto iam sole »
(quand le Sabbat fut passé, Marie Madeleine et Marie [mère] de Jacques et Salomé achetèrent des aromates pour venir oindre le corps de Jésus. Et de grand matin, le premier jour après le sabbat, elles viennent au tombeau, le soleil étant déjà levé)
Ce texte extrait de l'évangile de Saint Jean évoque les femmes entourant Jésus. L'importance et la présence des femmes est peu évoquée dans les évangiles et à fortiori dans les œuvres musicales.Par son écriture, son matériau musical, sa mélodie, par son rythme et son jeu contrapuntique, John Taverner nous livre une pièce de toute beauté, qui suggère l’aube, l’écho de la crucifixion, le soleil au delà de la tombe et enfin nous amène grâce à l’alleluya à la joie et à l’espoir…
Sans emphase, l’ensemble « Alamire » développe chaque phrase avec une netteté, une expressivité et une musicalité qui donnent l'impression de découvrir un nouveau Taverner, tranquille et réservé bien sûr, mais avec une musique dont la charge émotionnelle sera encore vivante après des siècles…
Cet ensemble est une de mes grandes découvertes de ces derniers mois…
«Dum transisset Sabbatum» de John Tavener
Par l'ensemble «Alamire» et David Skinner
Pour finir, une œuvre composée pour la Pâques orthodoxe qui se fête une semaine après la Pâques catholique, c’est-à-dire ce dimanche.
Nikolai Dilestky, compositeur et musicologue ukrainien du 17e siècle a écrit pour l'église orthodoxe. Il est le premier à avoir composé sur le cycle des quintes … donc des tons voisins… des tonalités dans lesquelles il est facile de moduler en partant d'une tonalité principale.
L'enregistrement des 9 cantiques du Voskrecenski canon (canon de Pâques) que l'on peut suivre avec la partition.
Par le Chamber choir « Kyiv » et Mykola Gobdych
Bonne semaine à tous,
LA LETTRE DU DIMANCHE 17 AVRIL 2022
Dimanche de Pâques
Pour cette lettre musicale arrivant à la fin de la semaine sainte, j'ai choisi, tout d'abord, la prose du missel romain qui se chante ou se récite le vendredi saint, texte du Stabat Mater. Il commémore la douleur de la Vierge assistant à la crucifixion de son fils Jésus.
LA LETTRE DU DIMANCHE 10 AVRIL 2022
Dimanche des Rameaux
Le temps de Carême touche à sa fin et nous allons entrer dans la Semaine sainte.
La fête des Rameaux est comme Pâques qu’elle précède toujours d’une semaine (précisément celle de la Semaine sainte), une fête mobile, dont la date change chaque année. Les Rameaux célèbrent l'entrée triomphale de Jésus dans Jérusalem dans les jours précédant la passion.
Depuis l'adoption en 1970 du lectionnaire commun révisé, qui fixe les lectures liturgiques sur trois ans (années A,B,C), cette fête combine dimanche des Rameaux et dimanche de la passion. La messe commence avec la liturgie des palmiers qui a lieu à l'extérieur ou à l'entrée de l'église. C’est le rite de la porte : le prêtre frappe trois fois les portes de l’église avant que celles-ci ne s'ouvrent pour laisser l'assemblée s'avancer en procession dans la nef. La cérémonie se poursuit par la liturgie de la passion avec la lecture intégrale ou partielle de la passion. C'est en quelque sorte un condensé de la Semaine sainte qui commence dans le triomphe et la joie et se termine dans la contrition et la mort du Christ…
Pour la lettre de ce dimanche, j'ai choisi de vous faire écouter deux chœurs d'entrée de cette messe à une époque où elle n'était que joie.
Lorsque la liturgie à l'extérieur de l'église touche à sa fin et que les palmes (les rameaux en France) sont distribuées, commence alors la procession d'entrée dans l'église .
Suivant le missel romain voici le texte pouvant être chanté :
« Ingrediente Domino in sanctam civitatem / Hebraeorum pueri resurrectionem vitae pronuntiantes, cum ramis palmarum : Hosanna, clamabant, in excelsis. »
(Comme le Seigneur entrait dans la Cité Sainte, les enfants des Hébreux annonçant par avance la résurrection de la Vie,avec des rameaux de palmiers, l'acclamaient : Hosanna au plus haut des cieux !)
Commençons par une pièce contemporaine de George Malcolm (1917-1997), pianiste, compositeur et chef d'orchestre anglais, écrite dans la plus pure tradition anglo-saxonne. Ce compositeur devient après la seconde guerre mondiale, organiste et maître de chapelle du Westminster cathédral choir. Il y développe un répertoire à la mesure de ce chœur d’exception, ainsi qu'une technique de chant à pleine voix qui est en totale rupture avec celles des chœurs anglicans de l'époque. Avec les années, la couleur et la spécificité de sa musique deviendra la référence des chœurs sacrés anglais. Il écrit ici une pièce de procession brillante et entraînante.
Couleurs, harmonie et mélodie typiquement «musique sacrée anglicane» !
Par le « saint Cécilia Choir of st John cantius » et Daniel V. Robinson
Une courte vidéo montrant la procession avec les palmes et les chantres de ce chant dans the Church of St James.
Pour continuer une pièce antérieure de plusieurs siècles, de Bartholomaüs Gesius, théologien et musicien d'église, compositeur et auteur d'hymnes allemands ayant vécu entre 1562 (cette date reste incertaine) et 1613. Il exerça successivement dans sa ville natale et au château de Muskau, à l’extrême est de l’Allemagne et à Francfort comme cantor. Il est connu pour ses passions chorales en allemand et en latin ainsi que la création de l'hymne de Pâques « Heut triumphieret Gottes Sohn » qui sera de nombreuses fois utilisé dans des cantates par Dietrich Buxtehude ou Jean Sébastien Bach.
Ce chant d'allégresse en allemand est d'une simplicité et d'une efficacité évidente !
Le chœur à 5 voix est en homophonie pour que le texte soit clairement énoncé et compris par l'assemblée. On trouve en répons un quintette de cuivre remplaçant un possible deuxième chœur. Dans cette version, le dynamisme du chœur, des voix d'enfants et les réponses brillantes des cuivres donnent toute l'énergie d'une messe à la gloire de Jésus triomphant, entrant dans Jérusalem.
« Hosianna, dem Sohne Davids » de Barholomaüs Gesius
Par les « Neues Knabenchor Hamburg et Ulrich Kaiser.
Enfin, trois extraits de l'incontournable cantate virtuose et lumineuse BWV182 de Jean Sébastien Bach écrite pour les Rameaux en 1714 à Weimar
« Himmelsköning, sei wilkommen »
(Roi du ciel, sois le bien venu)
Que de mélismes de vocalises et d'entrées en imitation dans ces trois pièces pour chœur, orchestre et solistes ! L’orchestre concertant est constitué d'une flûte à bec solo de deux parties de violons, deux parties d'altos et d’une basse continue accompagné par le chœur et 3 solistes chanteurs . Le maitre mot de cette pièce est sans aucun doute la Jubilation comme le démontre particulièrement le chœur final : une véritable danse enjouée.
La version la plus ciselée (texte précis et sans rudesse), à la fois dynamique et légère.
par l’ «Amsterdam baroque choir» et Ton Koopman
1 – le chœur d'entrée :
2 – Le choral «Jésus, deine Passion ist mir lauter Freude»
Les instruments sont colla parte. Ils doublent les voix intégralement. Le cantus firmus est à la partie de soprano. Les autres voix chantent sur imitation la tête du cantus firmus ou interprétèrent les mots forts du texte, comme le mot Freude (la joie), en de rapides vocalises.
3- le chœur final: « So lasset uns gehen in Salem der Freude »
Virevoltons ! A trois temps, avec une flute à bec donnant toute la légèreté et la couleur joyeuse voulue.
Profane pour finir :
« Country dances » de Ward Swingle dont j'ai parlé la semaine dernière. Créateur des Swingle singers
En vidéo avec mouvement de ce chœur de jeunes en folie. « University Arkansas choirs » et Stephen Caldwell
Pour cette lettre musicale du 5e dimanche de Carême , je me suis prêté au jeu des comparaisons musique ancienne, musique post romantique ou contemporaine. J'ai choisi trois textes du missel grégorien de ce dimanche et pour chacun d'eux deux pièces très éloignées en culture et en siècle !
Commençons par le «Videns Dominus», extrait du psaume 129
que l'on retrouve en communion dans le missel. Sur le thème de la ressurection de Lazare : «Videns Dominus flientes sonores Lazari … » (Voyant les sœurs de Lazare en larmes près du tombeau…).
Tout d'abord, la pièce de Hieronymus Praetorius (1560-1629) compositeur hambourgeois de la fin de la renaissance. Ce somptueux motet, extrait du Källunge codex 1622, combinant voix et instruments est caractéristique du style polychoral germano-vénitien pratiqué vers 1600 dans l'Allemagne du Nord montrant bien que le style vénitien envahissait toute l'Europe. Praetorius, avec une simplicité désarmante, développe son motet avec deux chœurs s'imitant séparément en imitation ou se soutenant mutuellement pour finir par s'unifier sur les mots les plus importants du texte (au nom de Saint Lazare par exemple).Pour la petite histoire, la famille Praetorius compta de nombreux musiciens mais Hieronymus n’a aucun lien de parenté avec Michael Praetorius qui écrivit le célèbre «es ist ein Ros entsprungen» chanté à travers le monde au temps de Noël.
par l'ensemble Villancico et Peter Pontvik.
La deuxième mise en musique est d'un compositeur contemporain que j'affectionne particulièrement : James McMillan (1959-) et qui ne cesse de me surprendre à chaque nouvelle création.
Son Videns Dominus, extrait des Strathclyde motets est d'une toute autre structure que celui de la polychoralité de Praetorius.Le compositeur écossais a écrit une pièce pour chœur à 4 voix dans des constructions d’alternance particulières. Au commencement la mélodie ornementée est exposée en canon entre les ténors et les sopranos. Vient ensuite une alternance de chœur d'hommes en divisions, de courtes déclamations en solo, d'harmonie en choeur mixte empruntant aux couleurs des pays des Balkans. Cet édifice musical porte évidemment la signature de Mcmillan : une ornementation spécifique et caractéristique et une inspiration de la tradition stylistique folklorique celtique.
par the Sixteen et Harry Christophers
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Passons a l'introït de ce dimanche extrait du psaume 42
« Judica me Deus / Et discerne causam meam de gente non sancta… » (Soyez mon juge, mon Dieu / Et séparer ma cause d'un peuple sans sainteté …)
Ce texte datant du Xe siècle est assimilé à une « prière de l'homme accablé ». Il se chantait à l'ouverture de la messe dès le XVI siècle et fut remplacé par la préparation pénitentielle (Kyrie eleison, Christe eleison, kyrie eleison) sous Paul VI. Malgré son association au Carême et à la contrition, ce chant grégorien commençant dans une humble prière, se poursuit par un cri d'imploration ou plutôt le cri de l'âme qui demande et se plaint avec des phrases ascendantes en grands intervalles pour se conclure dans une descente progressive vers la tonique marque de confiance et tendresse dans la sérénité.
En résumé cet introït ressort lumineux, calme, équilibré dans toute la diversité des émotions qu'exprime son texte
« Judica me Deus » introït gregorien IV as tempus quadragesimae par la « schola of the Hofburgkapelle Vienne et Hubert Dopf
Même texte mais tout autre ! Compositeur contemporain lituanien, Vytautas Miskinis (1954-) dirige et écrit pour de nombreux chœurs et principalement pour les chœurs d'enfants. Ici il démontre son expérience des voix féminines dans un motet à 6 voix de femmes ! Cette pièce exige un placement vocal particulier dont le vibrato est banni, soulignant les nombreuses dissonances et mettant relativement au second plan les alternances choeur, duo, solo, homophonie et jeu d'imitation assez traditionnel. Une référence au chant folklorique des Balkans semble évident ! C'est une belle pièce surprenante et magistralement interprétée.
« Judica me Deus » de Vytautas Miskinis par le « Mägi ensemble » et Heather MacLaughlin Garbes
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Le psaume 30 est sans doute l'un des plus célèbres psaumes utilisés pendant le carême
«In manus tuas Domine / Commendo spiritum meum » ( en vos mains, Seigneur, je remets mon esprit)
Commençons par John Sheppard ou Shepperd (1520-1560 ) compositeur de la Renaissance anglaise comme Thomas Tallis mais bien plus prolifique. Les répons de la Semaine Sainte forment le plus grand groupe d'œuvres de Sheppard et contiennent ses écrits sûrement les plus impressionnants. Le «in manus tuas» est construit comme tous les autres répons avec la technique de l'imitation contre le plain-chant, comme chez Tallis mais avec des textures plus denses et plus fleuries, qui me font apprécier particulièrement ses motets.
« In manus tuas » de John Sheppard par l'ensemble « Gabrieli » et Paul McCreesh
Cette fois d’un compositeur contemporain : In manus tuas de Daniel Roth ( 1942-). Compositeur, organiste concertiste international, chevalier de la légion d'honneur et aussi titulaire de l'orgue de saint Sulpice, Daniel Roth a écrit pour cette paroisse quelques chœurs qui donnent la « tonalité » ou l'identité musicale de cette belle paroisse. Une musique française contemporaine très accessible. Enfin !
par canta nova saar et John Sheppard ensemble .
Musique profane :
Certains chants profanes traditionnels deviennent quasiment universels, repris, remaniés, traduits…ou carrément détournés textuellement.
En voici trois passés à la postérité..
« L'amour de moi » chant traditionnel français dans l’arrangement de Ward Swingle(1927-2015). Américan, marié à une française, Ward Swingle a longtemps vécu en France où il avait reçu la distinction d’officier des arts et des lettres. Ce chanteur et arrangeur a été membre fondateur du célèbre groupe « double Six » dans les années 60, ainsi que du non moins célèbre « the Swingle singers » groupe vocal jazz qui démocratisa le scat (forme musicale consistant à imiter les instruments de musique en chantant des onomatopées ). Sa production d'arrangements est phénoménale.Les arrangements de chants traditionnels y ont une place incontournable.
par les Vasari Singers et Jeremy Backhouse
«Les feuilles mortes» de Joseph Kosma
Un titre devenu un standard de jazz sous le titre anglais «autumn leaves» … chanté ou joué entre autre par Nat King Cole , Éric Clapton, Franck Sinatra. Cette chanson française, devenue très célèbre, a été écrite en 1945 par Joseph Kosma sur un texte de Jacques Prévert pour le film « la vie à belles dents » de Marcel Carné et interprété par Yves Montand. Belle revanche que cette célébrité mondiale après des débuts difficiles dans un film qui ne marcha pas et que Montand et Greco n'arrivaient pas à faire accepter au public… Un arrangement grandiloquent d’Andrew Cartermais que j’écoute toujours avec sourire !
par les Vasari Singers et Jeremy Backhouse
Shchedrik shchedrik est un chant écrit par le compositeur ukrainien Mikola Léontovitch.
Interprété pour la première fois le 13 janvier 1916 (jour du nouvel an orthodoxe), ce chant construit sur un chant traditionnel ukrainien évoque l'abondance d'un nouvel an heureux, prémices d'un beau printemps… C'est sans doute l'adaptation en anglais avec des paroles sur le thème de Noël et son utilisation dans des films comme «maman j'ai raté l'avion» ou «sur les traces du Père Noël» qui ont rendu célèbre ce titre, sous un nouveau nom : «Carol of the bells» (la rythmique obstinée de ce chant évoque les ding dong des cloches)
arrangement de Mykola Leontovych(1877-1921) par le « Ukrainian chamber choir Cantus » et Emil Sokach.
LA LETTRE DU DIMANCHE 27 MARS 2022
4e dimanche du Carême
C'est le dimanche de Laetare « réjouissez vous ! ».
Comme pour le dimanche de « Gaudete » au milieu du temps de l'Avent, l'Église fait une pause de pénitence qui annonce les joies pascales.
Pour ce jour de réjouissance, la couleur liturgique violette du Carême des vêtements sacerdotaux, cède la place à la couleur rose. Cette dernière emprunte sa signification au rouge symbolisant l'amour divin, quand le blanc, lui, symbolise l'esprit divin, la combinaison donnerait l'amour de l'homme. On peut aussi interpréter cette couleur comme la couleur de l'aurore, de la rosée du matin , une couleur douce, joyeuse, pleine d'espoir et de réconfort, annonçant le miracle pascal.
Passionnant l'histoire de l'Église et de ses traditions !
L'introït de ce 4e dimanche de Carême est donc
le « Laetare Jérusalem Et conventum facite omnes…»
(Réjouis-toi, Jérusalem ! et faites assemblée, vous tous qui l'aimez / réjouissez vous avec allégresse, vous qui avez été dans la tristesse:/vous pouvez bondir de joie et vous rassasier du lait de consolation qui est pour vous.)
C'est bien la manifestation de la joie de la résurrection que l'on retrouve dans cet introït grégorien dans le 5e mode, avec des phrases ascendantes symbolisant les hauteurs de Jérusalem. La mélodie est pleine d’exultation.
Par la Capella antiqua de Munich
Écoutons maintenant ce même texte mis en musique par le compositeur et organiste vénitien Andrea Gabrieli (1533-1585).
Il fut l'un des compositeurs les plus influents de la Renaissance et de l'École vénitienne à une époque où les compositeurs des Pays-Bas dominaient le monde musical. Il eut comme élève : son neveu Giovanni Gabrieli, Hans Leo Hassler et Gregor Aichinger. Ce beau motet à 5 voix fait partie du premier livre de ses « sacrae cantiones » et a sûrement été composé pour l'immense vaisseau qu'est la basilique Saint Marc, puisqu’il y fut nommé organiste (de la basilique) en 1566. Comme dans la plupart de ses motets, la relation texte musique est étroite.
«Laetare Jérusalem» de Andrea Gabrieli par « l'ensemble Officium » et Wilfried Rombach
Le graduel de ce dimanche est une partie du psaume 122 «Laetatus sum» (Je me suis réjoui de ces paroles qui m'ont été dites / Nous irons dans la maison du Seigneur.)
Que de mises en musique à écouter !
J'ai choisi un autre maître vénitien, au combien célèbre, Claudio Monteverdi (1567-1643) ! Musicien de la fin de la Renaissance et du Baroque naissant, il est véritablement le compositeur symbole de cette transition. Son motet à 6 voix violons, cuivres et basse continue sur le « laetatus sum» fait partie du livre d'une qualité exceptionnelle «messa a quattro voci et salmi concertati» (1650). De multiples duo vocaux et ritournelles instrumentales sur une basse continue rebondissante ! Là aussi joie et exultation sont bien présentes.
Par « the Sixteen » et Harry Christophers
Pour finir sur une note tout aussi dynamique et parce que ce dimanche 27 mars les Chanteurs de Saint-Eustache le chanteront en concert à l'église des Blancs Manteaux : un extrait du grand motet de Jean Philippe Rameau «in convertendo»
Le chœur final virtuose «Euntes ibant et flebant» (Ils marchaient et s'en allaient en pleurant), signe la transition du baroque vers le classicisme à la française. Même si les premières phases tant textuelles que musicales sont des plaintes traduites par de nombreux chromatismes délicats et introspectifs, la suite de ce chœur final évolue vers un style et une écriture plus opératique et jubilatoire traduisant parfaitement le texte suivant « venientes autem cum exultatione » ( ils reviendront plein d'allégresse ). L'une des plus belles créations sacrées de Jean Philippe Rameau,
par les Arts florissants et William Christie
Un peu de musique profane, en référence à l’opéra de Jean Philippe Rameau, dans la continuité de mes humbles recherches sur la musique ukrainienne et par extension sur l’histoire de la culture ukrainienne.
L’opéra en langue ukrainienne «Iaroslav Mudriy » du compositeur ukrainien Heorhiy Maiboroda (1913-1992) s’inspire de la vie de Iaroslav Vladimirovitch dit Iaroslav 1er ou Iaroslav le sage, grand prince de la Rus' de Kyiv (l’ancien nom de Kiev). Cet état slave oriental englobant de nombreuses principautés, fut fondé au IXe siècle et disparu au XIIIe siècle lors des invasions mongoles.
Sous le prestigieux règne de Iaroslav le sage de 1019 à sa mort en 1054, l'état kiévien atteint son apogée. Le droit, l'éducation, l'architecture (il fit construire la célèbre cathédrale Sainte Sophie de Kiyv), l'art connaissent un renouveau impressionnant, et font de lui un souverain toujours vénéré de nos jours.
Composé en 1973 , cet opéra en 8 scènes évoque les difficultés du souverain à gouverner son pays. A la lecture du livret, les personnages sont foisonnants et l’intrigue quelque peu confuse. L’œuvre comme tous les opéras de Maiboroda écrits sur des textes ukrainiens fut créée puis donnée à l'opéra de Kiyv.
C’est intéressant d'entendre une musique dont les inspirations évidentes sont le Boris Godounov de Moussorgski et Alexander Nevsky de Prokofiev.
Ici les dernières minutes de l'œuvre , scène 7 et 8, grandiloquentes et patriotiques à souhait !
Impossible de ne pas mettre les liens qui suivent. Vous reconnaîtrez dans le couronnement et la mort de Boris Godunov, les thèmes musicaux dont Maiboroda s'est servi pour sa dernière scène . Cet opéra russe de Moussorgski réorchestré par Rimsky Korsakov est un monument de l'art opératique…les thèmes, l'orchestration et le livret donnent à la fois puissance et fragilité au rôle-titre si tourmenté qui fait la renommée internationale de cette œuvre.
Je ne cache pas mon attachement à ces pages, premier opéra étudié et joué lors de mes études de pianiste chef de chant.
Le couronnement
La mort de Boris .
LA LETTRE DU DIMANCHE 20 MARS
Lettre musicale du 3ème dimanche de carême,
Je vous propose de commencer notre écoute par deux extraits de la cantate
« Nimm Von uns, Herr du Treuer Gott » (Écarte de nous, Seigneur fidèle le sévère châtiment et la misère que nous avons tous mérités par nos innombrables péchés …)
Comme souvent dans les cantates de Jean- Sébastien Bach le chœur d'ouverture est une fantaisie chorale avec le cantus firmus aux sopranos. On y entend les trombones renforcer chaque pupitre et donner une couleur bien particulière, assez sombre à l'ensemble de la pièce. Par dessus, l'orchestre concertant se déploie aux cordes et hautbois. Ce qui m'étonne à chaque audition de ce chœur, c'est la richesse harmonique et les dissonances dont Bach use pour intensifier le thème de la cantate : la prise de Jérusalem.Tout l'art de l'interprétation consiste à phraser et trouver le juste tempo pour que toutes ces inquiétantes dissonances et leurs résolutions s'emmêlent le moins possible et commentent le texte plutôt que de le parasiter….
Je trouve parmi les nombreux enregistrements de cette cantate BWV 101 que, Philippe Herreweghe et le collegium vocal ont trouvé le bon équilibre !
Le choral final «Leit uns mit deiner rechten Hand» (Conduis-nous de ta main droite et bénis notre ville et notre pays)
Parce qu'«écouter un choral de Bach tous les jours est très formateur» me répétait mon professeur d'harmonie au conservatoire…
https://youtube.com/shorts/X8pEhJ-ItK0?feature=share
Sur ce même texte, une autre cantate parmi les œuvres polyphoniques les plus élaborées de Dietrich Buxtehude (1637-1707).On connait le maître danois comme organiste, ayant exercé son art à Lubeck mais l'écoute de cette œuvre d'une assez grande envergure pour chœur à 4 voix , 5 instruments à cordes et basse continue, montre que le répertoire choral de ce compositeur n’est pas reconnu à sa juste valeur.
L'ouverture est une sonate instrumentale, suivie de trois mouvements distincts. L'expressivité dans chacune des parties est très largement de mise grâce à de belles inflexions harmoniques. Le thème principal que l'on retrouve mainte fois dans l'œuvre est basé sur le même thème que le choral final de la cantate BWV 101 de J.S. Bach.
BuxWV 78 par le Collegium vocal, l'Orchestra anima aeterna et Jos van Immerseel
« Média vita in morte sumus »( Au milieu de la vie, nous sommes dans la mort /De qui pouvons nous chercher le secours … ?) est une antienne chantée pour le 3ème dimanche de carême. Au Moyen-Âge, cette antienne particulièrement dramatique était également chantée en dehors de l'office, sur les chants de batailles par exemple.
J'ai choisi de vous faire entendre une pièce de 1961, composé par Zoltan Kodaly (1882-1967), compositeur hongrois du 20e siècle, reconnu pour son répertoire choral et pour une méthode pédagogique qui porte son nom, toujours en vogue dans son pays. La pièce est écrite en mémoire de son ancien élève, le compositeur Matyas Seiber naturalisé anglais et enseignant la composition. Comme son illustre maitre et Bella Bartok, il faisait parti des pionniers de l'ethnomusicologie en enregistrant, étudiant les musiques traditionnelles et s'en inspirant pour ses œuvres.
Une belle pièce d'une musique que l'on entend trop peu en Europe occidentale.
par le « Debrecen Kodaly Choir » et Istvan Parkai
Depuis une quinzaine de jours maintenant, comme beaucoup, je suis inquiet pour le sort des ukrainiens.
La musique ukrainienne est peu connue et n'était pas abordée lors de mes études. Je suis parti à la découverte de ce répertoire immense. Après avoir écouté de multiples enregistrements de la liturgie orthodoxe ukrainienne, voici une première trouvaille de l'ignorant que je suis.
J'ai choisi de vous faire écouter une œuvre de Kyrilo Stetsenko (1882-1922) une prière pour laquelle j'ai ressenti un coup de cœur et qui me semble symboliser la lutte patriotique de l'Ukraine.
Compositeur et chef de chœur né en Ukraine, Kyrilo Stetsenko devra toute sa vie lutter contre l'oppression russe, tsariste d'abord puis bolchevique. En1905, quand éclate la première révolte russe, elle attise les flammes de l'indépendance en Ukraine et révèle le patriotisme de ce jeune musicien. La publication d’un hymne national et de chansons patriotiques lui vaut d'être exilé de sa ville natale, Kyiv. Il lui faudra, pour s'assurer une sécurité financière, accepter de rentrer dans les ordres et devenir archiprêtre. La révolution de 1917 lui permet de retourner à Kyiv où il est nommé chef de la section musique du ministère de l'éducation de la jeune république ukrainienne. Malheureusement, l'arrivée au pouvoir des bolchéviques en 1920 le prive de son travail de chef de chœur. Il quitte alors la ville pour exercer sa charge de prêtre dans un pays en proie aux répressions politiques, à la famine et la maladie. Stetsenko meurt du typhus en soignant des malades lors de l'épidémie de 1922.
The Lord's prayer par «the Kyiv chamber choir» et Mykola Hobdytch
Place à un peu de musique profane.
Nous chanterons dimanche 27 mars en l'église des Blancs Manteaux un très beau programme, essentiellement sacré, avec une pièce méconnue de Jean Sébastien Bach, «Der Gerecht kommt um», une adaptation en langue allemande et embellissement orchestral d'un motet latin de Johann Kuhnau. L'œuvre principale du concert sera le monumental et poignant « funeral anthem for Queen Caroline » de Händel trop rarement programmé en France.
Je tenais à ce qu'un compositeur français contemporain à ces deux monstres sacrés de la fin du Baroque soit présent et cela ne pouvait être que Jean-Philippe Rameau, au génie encore trop méconnu (et qui fut enterré à St Eustache). Un extrait d'un de ses 4 grands motets « in convertendo » et quelques minutes d'un chœur soustrait à l'opéra Castor et Pollux qui résonnera de façon bien particulière parmi ces œuvres tournant autour de la vie, la mort, la condition humaine, la rédemption ….
C'est cela que je vous propose d'entendre dans une version des Arts florissants et William Christie…
Tout autre chose car elle ne sera pas à notre beau programme mais encore de Jean Philippe Rameau. Une pièce instrumentale extraite de son ultime Opéra « les Boreades » il décède avant la première qui n'aura finalement pas lieu…
Je tenais à finir cette lettre par un peu de sérénité ….
L'entrée de Polymnie par l'ensemble « Pygmalion » et Raphaël Pichon
LA LETTRE DU DIMANCHE 13 MARS
En ce 2e dimanche de carême, je vous emmène, tout d'abord, à Milan.
Avril 1565, la commission des cardinaux réunit des chanteurs à Milan pour entendre «quelques messes » afin de vérifier si le texte est intelligible selon les principes de la Contre-Réforme édictés par le Concile de Trente.
Le Cardinal Charles Borromée, promu archevêque du diocèse de Milan, est bien décidé à mettre en pratique les nouvelles règles… jusqu’à bannir de la ville la musique madrigaliste profane.
Dans la musique sacrée, on utilisera, pour faire passer le message conciliaire, la technique du faux bourdon (basé sur la récitation dans la partie de ténor d'un cantus firmus) complétée par une polyphonie vocale. Simplicité de l'harmonie, lenteur du mouvement, homophonie servent l'idéal de simplification imposée. Le cardinal veut aussi imposer l'abandon des instruments jusqu'à faire taire l'orgue. Il voudrait qu'aucun timbre profane ne résonne dans la musique sacrée, en supprimant une pratique courante dans les messes de l'époque.
C'est évidemment une véritable révolution dans le monde musical et les productions de beaucoup de compositeurs de l'époque s'en trouvent changer du tout au tout. En fait, la sévérité des exigences artistiques et la rigueur qui en découle sera loin d'être respectée et va même engendrer un nouveau rapport à la musique. Pour déjouer la stricte homophonie voulue, la pratique de l'ornementation se fait jour, libérant la musique de ce joug !
Dans cet enregistrement du Poème Harmonique, les chanteurs restituent dans une œuvre anonyme sur le psaume 118, le raffinement et l'inventivité de l'ornementation du baroque naissant. Cette œuvre, en faux bourdon libre, est l'aboutissement de cette évolution ornementale. Œuvre étonnante pour des oreilles non averties, mais sublime
L'intégralité de l'œuvre en trois parties : «Confitemini domino», psaume en faux bourdon
I- Confitemini Domino (louez le Seigneur car il est bon)
II-De tribulatione invocavi Dominum (dans ma détresse, j'ai invoqué le Seigneur..)
III-Dextera Domini fecit virtutem (la droite du Seigneur a exercé sa puissance )
donc par l'ensemble «le Poème harmonique» et Vincent Dumestre.
Pour continuer, une mise en musique d'Alessandro Scarlatti du texte de la communion de ce second dimanche de Carême : «Intellige clamorem meum» (Comprenez mon cri. Soyez attentif à la voix de ma prière)
L'œuvre fut sans doute écrite dans l'année 1708, lors d'un séjour à Rome, où la musique d'église était particulièrement à l'honneur et la tradition de Palestrina, le grand maître de la polyphonie du XVIe siècle, encore largement utilisée. On retrouve dans ce motet le «style à la Palestrina» mais avec une touche plus florissante et moins stricte.
A la tête de «la Stagione Armonica» depuis 1996, le chef italien Sergio Balestracci, mène parallèlement des recherches qui lui permettent de retrouver et retranscrire les répons et motets d’Alessandro Scarlatti présents sur l'enregistrement dont fait partie ce motet.
Découvrons maintenant une belle et courte cantate du premier baroque :
«Liebster Jesu, hör mein Flehen» (Cher Jesus, écoute ma prière)
de Johann Michael Bach, cantor à Arnstadt dans les années 1660.
Bach est un nom assez répandu en Allemagne et cette famille Bach n'appartient pas à celle du célèbre Jean Sebastien Bach. Mais Johann Michael Bach (1648-1694) est le beau père de Johann Sebastian Bach (sa fille Maria Barbara fut la première épouse du célèbre Cantor).
par l'ensemble «Musica Antiqua Köln» et Reinhard Goebel
Christopher Tye (1505-1573) est un compositeur anglais de la Renaissance. Formé avant la Réforme, ce pasteur compose dans le style de la Réforme anglaise. Il est à l'origine de l'anthem, forme musicale anglaise (pour simplifier un motet en langue vernaculaire) et par extension de la musique liturgique anglicane.
Il reste peu connu, sans doute parce que trop peu d'œuvres de lui nous sont parvenues. Ce motet que l'on peut chanter pendant la période de carême montre tout son art du contrepoint et de la polyphonie.
«In pace in idipsum» par le «Choir of Magdalen college, Oxford» et Bill Ives.
Cette semaine, je n'ai pas eu le cœur de choisir des pièces profanes,
en pensant à tous nos amis ukrainiens…
J'ai réécouté une œuvre emblématique du compositeur polonais Henryk Górecki (1933-2010) : « Miserere ».
Composée en 1981, pendant la violente répression policière du mouvement Solidarność, elle fut censurée par le gouvernement jusqu'en 1987 ! Nécessitant un effectif important de 120 chanteurs, c'est l'œuvre chorale la plus aboutie du compositeur
L'écoute pour nos oreilles occidentales en est peut être complexe mais cette pièce m'a toujours impressionnée par sa portée dramatique et émotionnelle avec un matériau très minimaliste. Les incessantes répétitions du texte « Domine Deus noster», «Miserere nobis » et des phrases mélodiques, le rajout des voix au fur et mesure de l'œuvre, l'emploi important du registre grave, les nuances extrêmes …. tout semble exacerbé, dans cette sombre litanie suppliante que le chœur conduit progressivement d'un murmure à un cri de souffrance résonnant comme un appel …
Formé de 8 sections, c'est un long et lent développement de trente-cinq minutes, menant le chœur du pianissimo au fortissimo pour revenir à la couleur, nuance et tessiture du début de l'œuvre .
Il faut se laisser imprégner par cette musique, peut-être se forcer devant la répétition de ces phrases lancinantes qui n'aboutissent pas, ne se résolvent pas…et reprennent encore et encore …Pour cela, une bonne qualité d'écoute (les nuances sont très basses), un endroit calme… on se pose, on ne fait rien ….on reste ouvert…
Une expérience pour une œuvre monumentale…
«Miserere» de Henryk Górecki
par les superbes chœurs de l'opéra de Chicago et symphonique de Chicago, direction John Nelson.
Compositeur italien, né à Naples et d’ascendance noble, il garde après des siècles, une image trouble et noir de «tueur d'amant».
«Miserere», grand motet de Jean Baptiste Lully (1632-1687) Versailles, Louis XlV ….
«Miserere mei deus» de Alessandro Scarlatti (1660-1725) que le peut surnommer «le voyageur» tant il a fait d’aller-retour entre Naples et Rome durant sa carrière.
LA LETTRE DU DIMANCHE 27 FEVRIER
Une version très lente mais tellement bien menée, méditative …
L'une des versions les plus rapides, mais, à mon avis, l'une des plus vivantes !
Les chœurs d'opéra … un chapitre que je prépare.
LA LETTRE DU DIMANCHE 20 FEVRIER
effet !!!
LA LETTRE DU DIMANCHE 13 FEVRIER
Louis-Nicolas Clerambault (1676-1749) reconnu comme le maître de la cantate française. Il tint les orgues de
Saint Sulpice et, au service de Madame de Maintenon, fut responsable de la musique à la maison Royale de Saint-Cyr.
LA LETTRE DU DIMANCHE 6 FEVRIER
Un motet du compositeur catholique anglais William Byrd (1540-1623) reprend le texte de l'introït de ce 5e dimanche du temps ordinaire.
Bonne semaine à tous !
LA LETTRE DU DIMANCHE 30 JANVIER
« salvum me » (sauvez moi) et des « quoniam invocavi te » ( car je t'ai invoqué)…
Les ennemis ont tout pris, tout pris, tout pris,
Jusqu'à notre petit lits!
Ils ont brûlé l'école et notre maître aussi,
Ils ont brûlé l'église et monsieur Jésus-Christ,
Et le vieux pauvre qui n'a pas pu s'en aller!
Nous n'avons plus de maisons!
Les ennemis ont tout pris, tout pris, tout pris,
Jusqu'à notre petit lit!
Bien sûr! Papa est à la guerre,
Pauvre maman est morte!
Avant d'avoir vu tout ça.
Qu'est-ce que l'on va faire ?
Noël, petit Noël, n'allez pas chez eux, n'allez plus jamais chez eux, punissez-les !
Vengez les enfants de France !
Les petits Belges, les petits Serbes, et les petits Polonais aussi !
Si nous en oublions, pardonnez-nous.
Noël ! Noël ! surtout, pas de joujoux,
Tâchez de nous redonner le pain quotidien.
Nous n'avons plus de maisons!
Les ennemis ont tout pris, tout pris, tout pris.
Jusqu'à notre petit lit!
Ils ont brûlé l'école et notre maître aussi,
Ils ont brûlé l'église et monsieur Jésus-Christ,
Et le vieux pauvre qui n'a pas pu s'en aller !
Noël ! Écoutez-nous, nous n'avons plus de petits sabots!
Mais donnez la victoire aux enfants de France.]
LA LETTRE DU DIMANCHE 23 JANVIER
Bach collegium sous la direction de Masaaki Suzuki
https://youtu.be/DEQRhGbTM-U
Ramassent nos pieds glacés
Et d’une dure parole
Nous heurtons l’hiver têtu
Chaque arbre a sa place en l’air
Chaque roc son poids sur terre
Chaque ruisseau son eau vive
La bonne neige le ciel noir
Les branches mortes la détresse
De la forêt pleine de pièges
Honte à la bête pourchassée
La fuite en flèche dans le cœur
Les traces d’une proie atroce
Hardi au loup et c’est toujours
Le plus beau loup et c’est toujours
Le dernier vivant que menace
La masse absolue de la mort
Bois meurtri
Bois meurtri bois perdu d’un voyage en hiver
Navire où la neige prend pied
Bois d’asile bois mort où sans espoir je rêve
De la mer aux miroirs crevés
Un grand moment d’eau froide a saisi les noyés
La foule de mon corps en souffre je m’affaiblis je me disperse
J’avoue ma vie j’avoue ma mort j’avoue autrui
Bois meurtri bois perdu
Bois d’asile bois mort
La nuit le froid la solitude
La nuit le froid la solitude
On m’enferma soigneusement
Mais les branches cherchaient leur voie dans la prison
Autour de moi l’herbe trouva le ciel
On verrouilla le ciel ma prison s’écroula
Le froid vivant le froid brûlant m’eut bien en main.
LA LETTRE DU DIMANCHE 16 JANVIER
Bonne semaine à tous !
LA LETTRE DU DIMANCHE 9 JANVIER
Un beau chœur d'entrée ouvre la cantate BWV 123 de Jean Sébastien Bach pour célébrer cette fête. Belle souplesse du phrasé grâce au choix de la mesure ternaire et de l'ornementation.
Un même texte « Videntes stellam » mis en musique par Orlando di Lasso, connu également sous le nom de Roland de Lassus ( 1532-1594), le grand maître de la Renaissance mixant le style flamand et le renouveau italien et quatre siècles plus tard par Francis Poulenc.
Videntes stellam de Francis Poulenc par the Sixteen
Puisque tout passe
Ma préférée ? « le Cygne »
Il se rapproche, doublé,
comme ce cygne qui nage,
sur notre âme troublée…
qui à cet être ajoute
la tremblante image
de bonheur et de doute.
LA LETTRE DE NOEL
Et voici pour ces fêtes de Noel , une playlist de chants de Noël uniquement français, concoctée avec amour !
LA LETTRE DU DIMANCHE 19 DECEMBRE
l'occasion de faire entendre la prose ou hymne de l' Avent qui se trouve être en introït de cette messe.
LA LETTRE DU DIMANCHE 12 DECEMBRE
Gaudete !!! (Réjouis toi !)
LA LETTRE DU DIMANCHE 5 DECEMBRE
« Ecce Dominus veniet » (Voici que le Seigneur va venir)
Bonne semaine à tous !
LA LETTRE DU DIMANCHE 28 NOVEMBRE
Ce dimanche 28 novembre 2021 est le premier dimanche de l'Avent, qui débute l’année liturgique.
royal !
LA LETTRE DU DIMANCHE 21 NOVEMBRE
Chanson Éloignée
Ce soir mon coeur fait chanter
des anges qui se souviennent.
Une voix, presque mienne,
par trop de silence tentée,
monte et se décide
à ne plus revenir;
tendre et intrépide,
à quoi va-t-elle s’unir?
Ô chant éloigné, suprême lyre,
qui ne se donne qu’à celui qui ardemment
et sans repos supporte et endure
de son effort le long et doux martyre,
Ô chant qui naît le dernier pour conclure
l’enfance non terminée le cœur d’antan.
Ou je ne voulais que chanter,
Il m’a été accordé
l’honneur de la vie.
LA LETTRE DU DIMANCHE 14 NOVEMBRE
Un petit mélange d'époques et de cultures pour ce 33e dimanche du temps ordinaire.
LA LETTRE DU DIMANCHE 7 NOVEMBRE
LA LETTRE DU DIMANCHE 31 OCTOBRE
Pour cette fête de tous les saints du 1 novembre, se voulant joyeuse et qu'il ne faut pas confondre avec le 2 novembre où l’on honore les défunts, j'ai choisi de suivre les textes latins du liber usualis.
Et celle de Sir Charles Villiers Stanford, chef, compositeur, qui dans l'Angleterre de la fin du 19e siècle produit des œuvres sacrées dans la plus pure tradition anglicane, Professeur rayonnant sur tous les pays anglophones dont les élèves furent Gustav Holst et Vaughan Williams entre autres, il excelle dans une musique romantique tardive.
LA LETTRE DU DIMANCHE 24 OCTOBRE
Pour ce trentième dimanche de l'ordinaire, le choeur des Chanteurs de Saint-Eustache est en vacances mais une petite lettre musicale dominicale était en gestation !
La voici !
J'ai choisi une cantate de Jean Sébastien Bach écrite en 1723 dans les premières semaines de sa prise de fonction à Leipzig. Une cantate de « haut vol », un concentré d'inspiration, de virtuosité, de contrepoint et de rhétorique musicale.
« Siehe zu, dass deine Gottesfurcht nicht Heuchelei sei » (Veille à ce que ta crainte de Dieu ne soit pas hypocrisie)
Bach réutilisera de nombreuses parties de cette œuvre pour des pages ultérieures.
De quoi prouver qu’il estimait énormément ces quelques belles pages !!!
L'une des particularités musicales de la cantate BWV 179 tient sûrement dans le traitement du chœur d'entrée d'une sobriété qui va jusqu’à l’austérité. Elle est contrebalancée par une ornementation que les interprètes peuvent accentuer et adjoindre à un tempo plus soutenu, pour offrir un style beaucoup plus galant et brillant…
C'est le cas de la version Gardiner dont je vous ai mis le lien à la fin de cette lettre.
Néanmoins, je préfère la version de Maazaki Suzuki, plus calme et plus sobre et par conséquent plus proche d'une traduction musicale du texte.
Comme dans un simple motet, le compositeur distribue les instruments « colla parte » des chanteurs ( ce qui correspond à doubler les voix par les instruments).
L'austérité est perceptible par la forme musicale employée.
Une stricte contre fugue trahit forcément une certaine rigidité qui se justifie parfaitement ici par le texte du livret.
Contre fugue : chaque entrée du sujet est suivie d'une entrée en sens inverse.
Une partie centrale en chromatisme relie cette première fugue à une deuxième fugue élargie et encore plus complexe. Par ce procédé de rhétorique musicale, Bach veut montrer l’hypocrisie de celui qui n’obéirait pas au précepte divin, comme le dit le texte de la cantate : « ne sers pas Dieu avec un cœur faux ».
Bach reprend ce chœur d'ouverture pour le kyrie de la messe en Sol majeur BWV 236.
L’aria de soprano me touche au plus au point, sûrement de part ma culture et mon passé musical d’hautboïste.
C'est une prière, une imploration que la voix de soprano partage avec les deux hautbois d'amour.
Bach a réutilisé ces pages dans le « qui tollis » de sa messe en la majeur BWV 234.
Enfin le choral final m’émeut par sa mélodie, son harmonisation et sa densité.
Bach l’inclura dans la cantate BWV 93.
Pratiquées par de nombreux compositeurs, les réutilisations d'œuvres sont courantes à travers les âges.
Que Bach, par praticité, l'ait fait de nombreuses fois, apparait légitime vu le nombre de commandes ou d'œuvres à fournir pour sa charge de maître de chapelle
L'utilisation de nombreux passages de la cantate BWV 179 dans des œuvres postérieures est révélatrice de l'extrême force créatrice de Jean Sébastien dans ces mois de l'an 1723…
« Dénichée » sur YouTube, une captation de cette belle œuvre dirigée par Sir John Eliot Gardiner et le Monteverdi choir.
Bonne semaine à tous !
LA LETTRE DU DIMANCHE 17 OCTOBRE
C'est suffisamment rare dans le répertoire des cantates de Bach, dont la plupart commencent en mineur, pour être mentionné.
Bonne semaine à tous !
LA LETTRE DU DIMANCHE 10 OCTOBRE
C'est dans l'ancienne liturgie tridentine que je tire mon inspiration musicale pour cette lettre musicale hebdomadaire.
Ce 28e dimanche du temps ordinaire, initialement 20e dimanche après la Pentecôte, possède quelques textes latins mis en musique par des compositeurs de toutes les époques.
Le graduel (que l'on chantait à la place du psaume actuel, juste après la première lecture) est le « Oculi Omnium in te sperant Domine » (les yeux de tous mettent en vous leur espérance, Seigneur)
Il est tiré du psaume 144 v 15.
Orlando di Lasso, compositeur très prolixe de la Renaissance, le « divin Orlande » comme le nommait le poète Pierre de Ronsard, était connu et reconnu dans toute l'Europe au milieu du 16e siècle.
Son style peut se résumer à « pas d'a priori ».
Il se permettait toute liberté tant sur le plan stylistique que sur la structure musicale.
J'ai choisi une version particulière.
La pièce est écrite pour 5 voix.
Il faut avoir à l'esprit que l'on pouvait distribuer à l'époque les voix selon les musiciens ou chanteurs disponibles !
Ici, seules les voix de ténor et de basse sont chantées. Les parties de sopranos, altos et quintus sont exécutées par des cuivres.
Le résultat est superbe et le texte forcément mieux défini et distinct.
Par l'ensemble «Concerto Palatino» et Erik van Nevel
Restons avec l'« Orphée belge », un autre surnom donné á Orlando di Lasso par ses contemporains.
L'offertoire de ce jour est un extrait du célèbre psaume 137 « Super flumina Babylonis » (sur les bords des fleuves de Babylone)
Lui aussi, de nombreuses fois mis en musique.
C'est une élégie funèbre sur la perte de Jérusalem par le peuple juif.
Ce thème et surtout le réalisme de l'écriture est à l'origine probable de cet engouement musical !
L'intérêt de l'écoute de ce motet vient du fait qu'il est serti de madrigalisme, procédé descriptif traduisant musicalement ce que l'on évoque.
La pièce est surprenante et quelque peu déroutante par ses arrêts, ses bégaiements et reprises de mots traduisant la douleur et les pleurs…
Par le «Choeur de Chambre de Namur» · La Fenice · Jean Tubéry
Intéressant de mettre en parallèle un contemporain de Orlando di Lasso, Philippe de Monte compositeur flamand qui partagea sa carrière entre l'Italie et Vienne et dont l'univers musical est bien différent de celui de « son collègue ».
Une très belle version dans une tonalité mettant en valeur la qualité du choeur et la luminosité de cette belle pièce renaissance.
Par l'ensemble «Contrapunctus».
Impossible de ne pas parler du plus célèbre et majestueux motet français écrit sur ce psaume.
Michel-Richard de Lalande, l'un des compositeurs du roi Louis XIV, écrivit essentiellement des grands motets pour sa charge de maître et surintendant de la musique.
Ce grand motet versaillais de 1687 dans la plus pure tradition française (petit choeur à 3 voix, solistes, grand choeur à 5 voix) sublime et théâtralise le texte grâce à son écriture particulièrement suggestive.
Quatre mouvements du grand choeur structurent l'œuvre.
Nous sommes, après une symphonie orchestrale, transportés de la déploration et du cri de détresse des juifs exilés sur les rivages de Babylone à la jubilation du baryton solo et du choeur sur « hymnum cantate nobis »
« les Arts florissants » !!!
Une projection sur notre époque maintenant.
Deux compositeurs que j'apprécie particulièrement pour leur écriture musicale bien que très éloignés l'un de l'autre.
Tout d’abord un estonien.
Son écriture minimaliste et épurée utilise des rythmes simples et sur principalement trois notes s'inspirant des sons d'une clochette .
C'est le style tintinnabuli d'Arvo Pärt.
En 1976, il met en musique pour Choeur et ensemble instrumental le psaume 137 « An Den Wassern zu Babel »
Hiératique et ascétique !
Paul Hillier et le « Estonian philharmonie Chamber choir »
Enfin pour finir, les yeux tournés vers le ciel,
l'«Oculi omnium » par l'américain Eric Withacre
Plus facile d'abord, sa musique mélodique et ses procédés de superposition d'accords et de clusters sont très vite reconnaissables.
Choeur de femmes en division et de superbes amen avec l'adjonction des voix d'hommes.
Eric Whitacre et les «Eric Whitacre Singers»
Bonne semaine à tous !
LA LETTRE DU 3 OCTOBRE
Et pour finir un motet, virtuose lui aussi, extrait des «Vespro della beata Vergine» de Claudio Monteverdi. L'audition et la lecture du lien, que je vous envoie, vous montreront toute l'étendue de l'art du maître dans les imitations très rapprochées des deux chœurs à 5 voix.
LA LETTRE DU 26 SEPTEMBRE
Pour ce 24e dimanche du temps ordinaire,
LA LETTRE DU 19 SEPTEMBRE
Bonjour à tous !
Et voici la rentrée … une rentrée qui a un goût bien particulier. Nous n'avons pas chanté depuis dix mois mais le lien entretenu par cette lettre musicale durant cette longue période est un véritable cordon ombilical entre les chanteurs et leur chef. J'ai pris grand plaisir à la construire chaque semaine. Cette nouvelle année est l'occasion de la partager avec vous tous !
Un « petit Bach » pour commencer et continuer la tradition des lettres musicales. J'ai choisi deux extraits de la cantate BWV 107 écrite pour le deuxième cycle annuel et le septième dimanche après la Trinité:
«Was willst du dich betrüben?» (Pourquoi veux-tu t'affliger ?)
Une belle cantate écrite pour cor da caccia, deux flûtes traversières, deux hautbois d’amour et cordes. Un très beau chœur solennel écrit sous forme de fantaisie chorale, avec un concerto instrumental conséquent, ouvre cette œuvre. La couleur particulière de ces pages est dûe à l'emploi prédominant des bois (flûtes et hautbois). La majesté de l'ensemble découle du cantus firmus exposé en longues notes épurées.
J'apprécie véritablement ce qui se dégage de ce chœur et de cette interprétation du Chœur Bach Collegium Japan et de leur chef Masaaki Suzuki, ce grand interprète de Jean-Sébastien Bach à qui l’on doit un enregistrement de l’intégrale des cantates de Bach.
Le choral final est développé est non énoncé comme un simple choral homophonique. Jean-Sébastien Bach y développe un riche concerto instrumental sur un rythme de sicilienne (une rythmique ternaire) où s’insèrent les 4 voix du choeur. C'est une cantate de très belle facture !
Voici, pour conclure cette lettre, une petite découverte. Un compositeur autrichien du premier baroque (que l'on appelle aussi baroque « primitif ») : Johann Stadlmayr (1575-1648), chef d'orchestre de la cour de Salzbourg, écrivit essentiellement des œuvres sacrées. J'ai choisi un de ses motets à 18 voix où l'on entend un Monteverdi « tyrolien » en quelque sorte. Solistes, double, triple chœurs et cuivres se répondent et se mêlent.
Ce n'est pas une nouveauté en soi. Les compositeurs de toute cette période comme Heinrich Schütz, Samuel Scheidt ou la famille Gabrieli font appel à ce système d'écriture en imitation pour assembler le plus finement possible ces multiples voix réunies en « grappe » de chœurs et de cuivres dès que l'on célèbre avec prestance de grands offices solennels comme Noël. Cet « Exultate Deo » en est un exemple.
L'ensemble « les Cornets Noirs » et le Munich Orpheus Choir ! Dans le majestueux vaisseau qu'est l'église Saint-Eustache et pour une messe de rentrée paroissiale, je l'entends très bien !!!!
Bonne semaine à tous !!!
LA LETTRE DU 12 SEPTEMBRE